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TRIBUNE

Pourquoi est-il si difficile de s’entendre sur l’état de la langue française ?

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Les linguistes gagneraient à revoir quelques complexités orthographiques parfois aberrantes et inutiles pour favoriser la mobilité sociale, mais ils doivent se repositionner sous peine d’être écartelés entre psychologie cognitive, informatique et IA, pointe le professeur Philippe Monneret.
Les symptômes majeurs sont les suivants : une anglicisation croissante, une orthographe flageolante et une inclusivité irritative. Toute langue bien portante serait-elle une malade qui s’ignore ? (Sarah Bouillaud/Hans Lucas)
par Philippe Monneret, Professeur de linguistique à Sorbonne Université, directeur de l’UFR Langue française de Sorbonne Université Lettres, président de l’Association des sciences du langage (ASL)
publié le 25 juin 2023 à 16h11

La santé de la langue française fait débat : les linguistes «atterré·e·s» qui viennent de publier un Tract chez Gallimard trouvent que le français se porte bien (1) tandis que d’autres (2) estiment qu’il est malade. Malade de quoi ? Les symptômes majeurs sont les suivants : une anglicisation croissante, une orthographe flageolante et une inclusivité irritative. Toute langue bien portante serait-elle une malade qui s’ignore ?

Chacun a un avis sur la langue qu’il parle. La complexité du rapport entre connaissances naïves et connaissances savantes est l’une des particularités de la linguistique et c’est précisément ce qui rend cette discipline passionnante : elle est savante sans pouvoir s’arracher complètement à l’intuition ; elle suscite des pratiques à caractère scientifique mais aussi des analyses plus proches des études littéraires ; elle s’intéresse aux formes langagières les plus émergentes tout comme à l’histoire de la langue ; elle entretient des rapports avec la psychologie, la sociologie, la philosophie, l’informatique, l’intelligence artificielle, la littérature. Les linguistes fabriquent des dictionnaires et des grammaires, pour les universités, les lycées, les collèges et les écoles (3) ; ils forment des étudiant·e·s de toutes origines qui, après leur doctorat, iront enseigner