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TRIBUNE

«Pourquoi faut-il nommer le génocide à Gaza ?» Par Marc Weitzmann

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Reprenant les réflexions de Victor Klemperer sur la façon dont le nazisme s’est d’abord emparé du langage, l’essayiste Marc Weitzmann s’interroge sur les mots employés pour décrire le «monstrueux cauchemar» des Gazaouis.
Après une frappe israélienne sur un camp de réfugiés de la bande de Gaza, le 15 juin 2025. (Eyad Baba/AFP)
par Marc Weitzmann, journaliste et écrivain
publié le 20 juin 2025 à 17h00

Pourquoi la «sortie du silence» de certains artistes et intellectuels face à la situation à Gaza, dont Libération a rendu compte le 16 juin pose-t-elle question ? Des mots usuels deviennent «neufs dès l’instant où ils apparaissent comme l’expression d’une nouvelle manière de penser ou d’une nouvelle cause». J’extrais cette note du journal clandestin tenu par l’écrivain allemand Victor Klemperer entre 1933 et 1945.

Exclu de l’université, confiné dans l’une des maisons où le régime isolait les Juifs, et forcé de travailler en usine pour survivre, Klemperer n’avait plus aucune activité intellectuelle sinon celle de prêter attention à l’évolution des conversations autour de lui des gens soumis à la propagande nazie véhiculée par la radio et le cinéma. Il notait ses réflexions sur des feuilles éparses, dissimulées dans ses livres de philosophie. En février 1945, les bombardements alliés sur Dresde détruisirent la ville, tuèrent 25 000 civils en quarante-huit heures, mais sauvèrent Klemperer alors sur le point d’être «évacué» vers un cam