Je vivais depuis quatre mois dans une banlieue de Boston et, pour des raisons familiales, je devais passer deux jours à Paris. L’immersion dans le paysage de la côte Est m’avait fait oublier presque tout de la ville. Et j’ai passé ces 48 heures dans une sorte de stupeur enivrée. C’était les derniers jours de l’exposition Yves Saint Laurent, dans laquelle Mouna Mekouar avait distribué les merveilleux vêtements du couturier dans cinq musées de la ville, et j’ai erré de musée en musée pendant tout ce temps. Ce n’est pas la rencontre avec la beauté des vêtements, ni la richesse des musées qui m’ont fait glisser dans une forme aiguë de syndrome de Stendhal. C’était l’impossibilité de séparer philologiquement les espaces muséaux du reste de l’espace urbain. Dès que je sortais de l’un des musées, une beauté et une complexité conceptuelle aussi intense que celle qui était abritée dans les salles m’envahissaient. L’art n’était pas concentré en un seul endroit. C’était le lieu dans lequel je ne cessais de me déplacer et d’habiter. J’avais l’impression d’avoir emménagé dans un immense musée en plein air, d’avoir un lit, une cuisine et une salle de bains à l’intérieur d’une sorte de Louvre agrandi.
C’est en réfléchissant à cette étrange expérience que j’ai réalisé ce que cela peut signifier de dire que l’art est intimement politique. Contrairement à ce que nous imaginons parfois