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tribune

Proche-Orient : l’universel divisé ?, par Francis Wolff

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Comment une même valeur universelle, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, peut-elle être à ce point indivisible et divisée ? interroge le philosophe Francis Wolff. Lorsque les passions sont à ce point exacerbées, il serait vain, et ridicule, d’exiger que la «raison universelle» proclame la nécessité de créer deux Etats dans des frontières sûres et reconnues par la communauté internationale.

En 1947 en Palestine, dans les plaines près de Jérusalem. (Keystone/Gamma-Rapho)
Par
Francis Wolff
Philosophe
Publié le 15/12/2023 à 18h08

Le sionisme est né au XIXe siècle comme l’une des «solutions du problème juif» selon lequel tout peuple conscient de lui-même a droit à un Etat. Il résulte des persécutions antisémites et de l’échec de «l’émancipation» des Juifs en Europe de l’Ouest (affaire Dreyfus) et des pogroms en Europe de l’Est à la même époque. Il a contribué à faire des communautés juives dispersées un peuple, qui espéra d’abord un foyer national dans l’Empire ottoman, puis aspira à devenir une nation dans la Palestine mandataire, pour enfin vivre, après la Shoah, dans l’un des deux Etats créés en 1947 par la communauté internationale : l’un, refusé par les puissances arabes (il n’était pas encore question du «peuple palestinien»), ne vit jamais le jour ; l’autre devint l’Etat d’Israël (juif et démocratique – définition énigmatique), garantissant l’égale liberté à tous les citoyens, tout en déclarant le «droit au retour» pour les Juifs du monde entier, et eux seuls.

Le tragique naît d’abord d’un décalage historique.