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Libération

Renvoi des migrants au Rwanda : la traite bureaucratique

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La philosophe Ayyam Sureau revient sur l’adoption le lundi 22 avril d’une loi britannique permettant d’expulser vers Kigali des demandeurs d’asile entrés illégalement. Pour elle, le scandale réside dans l’évacuation lourdement monnayée de personnes considérées comme indésirables vers un pays fragile.
En 2023, des migrants qui ont traversé la Manche sont rassemblés à Dungeness dans le Kent (Angleterre). (Henry Nicholls /AFP)
par Ayyam Sureau, philosophe et présidente de l'association Pierre-Claver qui vient en aide aux demandeurs d'asile
publié le 26 avril 2024 à 21h16

Si la Grande-Bretagne parvient à envoyer au Rwanda dès juillet 300 premiers migrants, comme la loi votée par son Parlement le permet, cette opération symbolique lui aura coûté 540 millions de livres sterling. Le montant paraît déraisonnable. Aux yeux des instigateurs de cette initiative, ce n’est sans doute pas cher payé pour rattraper un retard de 20 points sur le Parti travailliste avant les élections de l’automne prochain ; pour tenir la promesse «d’arrêter les bateaux» ; pour donner la preuve d’une politique anti-immigrationniste musclée à la frange la plus exigeante de la droite.

Le coût de cette mesure n’est pas seulement financier, il est aussi juridique, et également moral dans la mesure où le droit touche toujours à la morale chez les peuples dont le gouvernement est démocratique. Pour faire passer sa loi, le gouvernement n’a pas hésité à tenir pour nulle et non avenue la Constitution non écrite de la Grande-Bretagne, rappelée en vain par un jugement de la Cour suprême. Il n’a pas eu davantage de considération pour la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui lui a également rappelé tout aussi vainement les exigences d’un texte dont le royaume est signataire.

Se débarrasser des indésirables

La fraction morale de