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TRIBUNE

Richard Dindo : «Il était le cinéaste de la mémoire», par Nicolas Philibert

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Le cinéaste documentariste est mort à 80 ans, le 12 février. Son ami de cinquante ans, le metteur en scène Nicolas Philibert, rend hommage à celui qui a su remarquablement filmer l’absence, la rareté, la fragilité, tout au long de ses 35 films.
Richard Dindo, en mai 2014. (carine roth/Cinémathèque suisse)
par Nicolas Philibert, cinéaste
publié le 26 février 2025 à 18h01

C’est un grand cinéaste qui vient de s’en aller. Dans le champ du cinéma documentaire, Richard Dindo a été et restera une référence de tout premier plan, l’homme d’une œuvre rebelle, non alignée.

Ce qui impressionnait en premier lieu, c’était sa détermination, son opiniâtreté. Du jour où il décida d’apprendre le français, de s’installer à Paris et de devenir cinéaste, lui, petit-fils d’immigré italien né à Zurich qui avait déserté l’école à l’âge de 15 ans, rien ni personne ne réussirait à se mettre en travers de sa route ! Une commission lui refusait une aide ? Bah, il se débrouillerait sans, il tournerait le film quand même ! Il avait toujours deux, trois, quatre, cinq projets de films en tête, qu’il se donnait comme objectif de réaliser, selon un ordre précis, comme s’il y avait là une logique et une nécessité. Il en signera trente-cinq.


Assez vite, il forgera ce qu’il appelait son «système». Il aurait pu dire sa «démarche», son «style», mais non, il disait «système» pour décrire la rigueur qui caractérisait cette façon bien à lui de faire renaître et revivre des hommes du passé à travers leurs propres mots, en leur restituant une image, une dignité, mettant ses pas dans les leurs, faisant ricocher ses mots à lui avec les leurs. Manière de replacer les hommes dans l’histoire, de réhabiliter ceux dont les manuels ne parlent jamais, comme ces Suisses engagés aux côtés des républicains espagnols auxquels il consacra l’un de ses premiers films (Des suisses dans la guerr