Tandis que le doctorant en philosophie que j’étais terminait de rédiger une thèse sur «La question philosophique de la peine de mort (1)», Robert Badinter eut l’extrême gentillesse de m’accueillir chez lui, en mai 2012, pour un entretien que je m’étais longtemps interdit d’espérer. Mon intention était alors d’interroger Robert Badinter sur le fondement philosophique du combat pour l’abolition. Mais très vite, il souhaita mettre les choses au point : «Vous savez, je ne suis pas philosophe, me dit-il, je laisse la philosophie à mon épouse…» Pourtant, il est clair que Robert Badinter adhérait non seulement à une certaine philosophie, mais qu’il en fut surtout l’une des incarnations les plus emblématiques de l’histoire de la République française.
Disparition
Que l’on soit «pour» ou «contre» la peine de mort, chacun semble d’abord se positionner de façon intuitive et spontanée, en invoquant une sorte d’évidence morale n’appelant aucune justification supplémentaire. Ainsi apparaît-il «évident» aux partisans de la peine capitale qu’un assassin perd tout droit à la vie et ne «mérite» plus de vivre. Du côté abolitionniste, au contraire, on invoque l’évidence selon laquelle la peine de mort n’est plus digne d’une justice véritablement humaine. D’où le risque d’aboutir en la matière à un dialogue de