Menu
Libération
TRIBUNE

Sauver l’agriculture française ? C’est l’affaire de chacun et de tous

Article réservé aux abonnés
Le déclin de la filière n’est pas pour demain si chaque Français le décide : manger moins mais mieux, cuisiner de vrais plats, composés de bons morceaux et de légumes bio vaut mieux que de se gaver de chips hypersalées devant sa télévision revendique ce fils de paysan des Vosges, William Bernet, aujourd’hui restaurateur en viandes.
«L’Administration s’est manifestée pour la première fois en 1965 : obligation de faire un poulailler clos. Jusque-là, les poules, en totale liberté le jour, dormaient la nuit sur un perchoir dans l’écurie. Mon père a bataillé, a fini par s’incliner.» (Emmanuel Pierrot/Libération)
par William Bernet, Restaurateur en viandes
publié le 24 février 2024 à 5h53

Fils de paysan et paysan moi-même dans ma jeunesse, puis boucher et aujourd’hui restaurateur en viandes, je fais mienne ici la bataille en cours pour sauver l’agriculture française d’un déclin irrémédiable.

Né à l’aube des années 50, j’appartiens à la dernière génération qui, comme près de la moitié de la population française d’alors, a vécu la condition paysanne avant et pendant la révolution agricole de la seconde moitié du siècle dernier. C’est cette paysannerie qui n’est plus mais dont le souvenir nous hante, que je voudrais évoquer, ici, à travers mon propre passé pour faire ressentir par contraste combien la condition moderne des travailleurs de la terre s’est paradoxalement dégradée, alors que le progrès en agriculture comme ailleurs a connu un bond fantastique.

Suzanne, Gaston et les huit enfants en quasi-autarcie

Années 50. Nous étions dix, nos deux parents, Suzanne et Gaston, et huit enfants, à vivre en quasi-autarcie, des trente hectares de polyculture de notre ferme, à 600 mètres d’altitude sur les contreforts des Vosges. On faisait du blé pour le pain, on élevait et on tuait les cochons, on avait une dizaine de vaches, un taureau pour l’insémination, on faisait du munster avec le lait (on en donnait un ainsi que du boudin, à l’instituteur), on faisait de la pomme de terre sur un hectare et demi, qu’on ramassait à la main, on tri