A l’attention de l’Elysée, du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, des consulats de France à Jérusalem et au Caire
Madame, Monsieur,
Nous sommes un groupe composé de seize Palestiniens de Gaza ; nous avons eu l’opportunité de rejoindre la France grâce aux programmes du consulat général de France à Jérusalem (bourse du gouvernement français, la campagne de recrutement des assistants de langue arabe en France, et les programmes de résidence artistique en France).
Nous sommes venus en France en tant que jeunes étudiants et artistes. En raison du siège de Gaza, nous avons grandi en ayant conscience que nos perspectives et opportunités ne seraient accessibles qu’à travers l’exil en France, et que ce dernier requiert l’excellence académique. A la suite de nos études et programmes de résidence, nous avons décidé de rester en France et d’y construire nos vies. Nous nous sommes battus pendant des années afin de nous intégrer en France, de développer nos carrières, et construire nos familles. Aujourd’hui parmi nous, nous comptons des professeurs, des chercheurs, des doctorants, des journalistes, et des enseignants. Nos statuts juridiques sont divers : titres de séjour, naturalisés français, réfugiés et apatrides en France, ou mariés avec français.
Depuis le 7 octobre 2023, nos familles sont directement affectées par la guerre. Nous avons tous perdu des membres de nos familles, des proches et des amis. La plupart de nos domiciles ont été détruits, la quasi-totalité de nos familles ont subi un déplacement forcé vers le sud de la bande de Gaza. Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles et les chances de survies sont extrêmement minimes. En fait, une famine et une crise sanitaire se profilent dans l’ensemble du territoire de Gaza ; l’accès à l’eau et à la nourriture est compromis, les maladies contagieuses se multiplient, les conditions d’hygiène sont catastrophiques, et les refuges sont surchargés et très peu sûrs.
Tandis qu’Israël élargit les zones de combat, il est impossible pour nos familles d’être assurées que leurs refuges ne soient pas bombardés. Leurs conditions de vie ne cessent de se détériorer. Nous souhaitons porter votre attention sur certains facteurs de vulnérabilité dont souffrent nos familles : parmi nos familles à Gaza, il y a des personnes âgées qui souffrent de différentes pathologies chroniques (maladies cardiaques et diabète), et des bébés qui ont besoin de lait infantile et de vaccinations.
Ces personnes n’ont pas accès ni aux soins médicaux ni à une alimentation saine. Par conséquent, leur santé et leur chance de survie sont amoindries ; parmi nos familles à Gaza, il y a des personnes en situation de handicap ; parmi nos familles à Gaza, il y a des enfants qui ont été obligés d’évacuer leurs maisons sous les bombardements, et de vivre l’expérience du déplacement plusieurs fois pendant les deux derniers mois.
L’urgence de la situation
Selon l’Organisation des Nations unies, plus de 625 000 élèves sont privés d’école à Gaza en raison des hostilités ; parmi nos familles à Gaza, il y a des journalistes. Le conflit est particulièrement meurtrier pour les journalistes : Reporters sans frontières comptabilise «près de 50 journalistes tués en 45 jours à Gaza» ; parmi nos familles à Gaza, il y a des salariés des Nations unies. Depuis le 7 octobre, plus de 100 salarié·e·s des Nations unies ont été tués. Les locaux des Nations unies (UNDP, WHO, Unicef, Unesco) ont été bombardés le 11 novembre.
L’intensité de la guerre sur Gaza compromet durablement la capacité des populations à se maintenir sur le territoire tout en assurant les besoins de première nécessité. Il s’agit là d’une dégradation inédite, alors même que l’Organisation des Nations unies déclarait dès 2018 que, en s’appuyant sur le rapport (AG /SHC /4242), que la bande de Gaza était devenu «invivable».
Les infrastructures les plus essentielles ont été détruites, telles que les hôpitaux, les écoles, les universités, les réseaux d’eau et d’électricité, les routes, etc. Ainsi, une période de réhabilitation serait nécessaire après le cessez-le-feu, quand bien même celui-ci n’est pas encore envisagé par Israël.
Pour sauver les vies de nos familles, nous vous demandons d’accepter de les évacuer et de les accueillir en France, de manière provisoire. Et nous nous engageons à prendre en charge la totalité de leurs besoins pendant toute la durée de leur séjour.
Avant même d’arriver en France, nous connaissions les valeurs de la République, son rôle diplomatique clé et le précieux travail de maintien de la paix effectué par la France qui est désormais notre pays d’adoption. Ces valeurs françaises sont désormais les nôtres et nous en sommes les ambassadeurs. Alors que nos familles sont exposées à la pire des violences, nous comptons plus que jamais sur la France et son rayonnement pour sauver nos proches en les faisant sortir le plus rapidement possible de Gaza.
En raison de l’urgence de cette situation, nous nous tenons à votre disposition pour organiser une rencontre, et ainsi répondre à vos questions.
Souhaitant que vous accordiez une attention particulière à notre demande, nous vous prions de recevoir, Madame, Monsieur, l’assurance de notre considération distinguée.