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TRIBUNE

«Si le RN devait accéder au pouvoir, je quitterais mes fonctions de diplomate»

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Elections législatives 2024dossier
Elevée dans le respect des valeurs de la République, la Franco-Tunisienne Ines Ben Kraiem sort de sa réserve de haute fonctionnaire pour affirmer qu’elle renoncerait à sa fonction au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en cas de victoire de l’extrême droite aux élections législatives.
Inquiète pour l’avenir de la France, Ines Ben Kraiem se dit blessée du faible nombre de réactions suscitées par la probabilité que le RN accède au pouvoir. (Sébastien Salom-Gomis/AFP)
par Ines Ben Kraiem, Diplomate, cadre d'Orient au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères
publié le 26 juin 2024 à 13h50

Déloyale car double nationale ? Je n’incarnerai pas cette France qui ne me ressemble pas. Née d’une mère française et d’un père tunisien, tous deux fils d’agriculteurs, tous deux boursiers et purs produits de la méritocratie républicaine dans leurs pays de naissance respectifs, qui ont grâce à cet ascenseur social pu devenir médecin pour l’une, ingénieur physicien pour l’autre, je sors aujourd’hui de ma réserve de haute fonctionnaire pour partager ma profonde inquiétude face à ce que j’observe du débat politique en France.

J’ai été élevée par mes parents dans des valeurs de démocratie, de respect de la différence, de tolérance. Confrontée à l’altérité dès ma naissance, j’ai grandi à Tunis alors que le pays était encore une dictature, fait mes études au lycée français où l’on m’enseignait les principes républicains, liberté, égalité, fraternité. J’y ai pris goût au débat sans censure et au pluralisme, ce qui m’a conduite à faire le choix d’études en sciences politiques.

En 2002, j’ai voté pour la première fois et je me souviens encore de mon émotion au moment de mettre mon bulletin dans l’urne. Les libertés ont un goût différent lorsque l’on sait ce qu’en être privé signifie. Je me souviens du choc provoqué par les résultats du premier tour, des manifestations massives et quotidiennes contre le FN