Nous, journalistes, signataires de cette tribune, exprimons notre profonde inquiétude et notre entière solidarité envers notre confrère Yanis Mhamdi, journaliste pour le média Blast, actuellement détenu de manière arbitraire par les autorités israéliennes.
La semaine dernière, Yanis Mhamdi a embarqué à bord du navire humanitaire Madleen, dans le cadre de la mission civile Freedom Flotilla, afin de documenter l’acheminement d’aide humanitaire à destination des civils gazaouis. Avec son confrère Omar Faiad, journaliste pour le média Al Jazeera, il accompagnait de nombreuses personnalités, parmi lesquelles l’activiste Greta Thunberg et l’eurodéputée française Rima Hassan. Il s’y trouvait en qualité de journaliste, dans l’exercice strict de ses fonctions, missionné par son média.
Dans la nuit du 8 au 9 juin 2025, le navire Madleen a été intercepté illégalement dans les eaux internationales par l’armée israélienne, en violation manifeste du droit international. L’ensemble des passagers a été placé en détention. Tandis que certains ont pu regagner leur pays d’origine, Yanis Mhamdi demeure détenu, pour avoir refusé de signer un document aux conditions mensongères. La signature du document sous-entendait notamment de reconnaître que le bateau avait pénétré les eaux israéliennes, ce qui est erroné.
Depuis cette arrestation, ses proches et ses conseils n’ont pu obtenir que des informations fragmentaires sur son état et ses conditions de détention. Il a été privé de nourriture durant plusieurs heures, menacé par des armes, et retenu d’abord sur le bateau, puis dans les services d’immigration et actuellement dans la prison de Givon, dans des conditions que rien ne justifie.
Privé de liberté pour avoir exercé son métier
Cette situation soulève des questions graves : il est aujourd’hui impensable qu’un journaliste français, mandaté par son média, soit privé de liberté pour avoir simplement exercé son métier. En assimilant un journaliste à un militant, en entravant délibérément le travail d’un professionnel de l’information, c’est l’ensemble de notre profession qui se trouve menacée.
Cette détention arbitraire s’inscrit dans la continuité du traitement des journalistes à Gaza, systématiquement empêchés de faire leur travail, voire pris pour cibles, puisque selon la Fédération internationale des journalistes et Reporters sans frontières, près de 200 d’entre eux ont été tués par les forces israéliennes.
L’arrestation et la séquestration de notre confrère font planer une menace directe et inquiétante sur la liberté d’informer, sur la capacité des journalistes à couvrir les conflits armés et les situations humanitaires à travers le monde.
Analyse
En maintenant Yanis Mhamdi en détention, c’est le droit de chacun à être informé qui vacille à nouveau. Or préserver la liberté d’expression, la liberté de la presse et le droit à l’information ne saurait être une option : c’est une obligation démocratique.
Nous demandons à l’Etat français de prendre ses responsabilités et d’exiger publiquement la libération immédiate de notre confrère. Le silence, l’ambiguïté ou la passivité ne sont plus acceptables.
La liberté de la presse n’est pas négociable. Elle est le garant du débat public, et par là même, le socle de toute démocratie.
Les organisations signataires : Reporters sans frontières (RSF), Blast, La Société des journalistes de France 24, la Société des journalistes et du personnel de Libération (SJPL), la Société des journalistes de Radio France Internationale (RFI), la Société des journalistes de Mediapart, le Syndicat national des journalistes (SNJ), la Société de journalistes de Télérama, la Société des personnels de l’Humanité, l’Association des Journalistes Antiracistes et Racisé·e·s (Ajar), le Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), SDJ Konbini.