Pourquoi l’expression de Bayrou, «sentiment de submersion», indigne-t-elle autant à gauche qu’elle plaît à droite ? Et quel est le rapport entre métaphore, sentiment, et formule ?
Dans la vie privée, on fait des métaphores spontanément, quand on tente de décrire ce qu’on ressent, de le transmettre. Les métaphores les plus expressives, qui transmettent le mieux nos émotions, sont les plus créatives, celles qui sont le moins installées dans le lexique. «Submerger», en emploi métaphorique spontané, c’est très fort. Il se passe quelque chose d’atroce, d’injuste, on est submergé de douleur, de colère, on se noie dans ses émotions, on plonge. Les métaphores de l’eau sont violentes, elles correspondent, en emploi spontané, à des expériences émotionnelles puissantes, et non désirables. Parce que les métaphores sont aussi, souvent, des appréciations, voire des jugements déguisés ; elles évaluent en bien ou mal. «T’es un ange», c’est bien, «t’es un cochon», c’est mal.
Plus l’expression s’installe, et se met en «collocation», c’est-à-dire au voisinage toujours des mêmes mots, plus elle se fige, moins elle est expressive : vous pourrez l’employer pour dire une expérience moins intense ; c’est le cas pour la construction au passif «être submergé de travail», assez fréquente ; un ami me trouve pâlotte, il me dit : «Ça va pas, tu dors plus ? – Plus assez, je réponds, je suis submergée de travail» ; là encore, la métaphore traduit un sentiment, une micropanique, et une appréciation : j