Menu
Libération
TRIBUNE

Toujours, Le Pen a rôdé dans ma vie, par l’écrivain Mehdi Ouraoui

Article réservé aux abonnés
Le romancier raconte comment, depuis l’enfance, l’ombre du fondateur du Front national a toujours été là. Condamné à se construire contre lui, il égrène les confiscations dont il a été victime, jusqu’à la joie d’être français.
Une affiche du candidat du Front national à la présidentielle, à Paris le 12 avril 2007. (Joël Saget /AFP)
par Mehdi Ouraoui, Ecrivain, ancienne plume politique
publié le 11 janvier 2025 à 15h15

Les années 1980, je les ai traversées scotché devant la télévision. De cet autel, massif au milieu du salon, sortait la voix de Jean Rochefort, douce comme un conte, ou celle plus ferme de Christine Ockrent qui signifiait : «les dents et au lit». Parfois, une autre voix surgissait. Bouche carnassière. Mèche insolente. Alors, tout changeait. L’écran devenait une cage, personne ne pouvait quitter la bête des yeux. Dans la pièce, une ombre. Une ombre qui grandissait à mesure que nous grandissions.

Autant le dire, Le Pen était un bien grand adversaire pour un si petit garçon. Cet homme, qui tortura dans le pays de mon père, m’a décrété étranger dans le pays de ma mère. Lorsque, dans la double absence des enfants d’immigrés, je me demandais : «Est-ce que je suis vraiment d’ici ?», c’est toujours lui qui répondait «non, rentrez chez vous». Avec de si beaux carnets de notes, j’aurais dû jouer insouciant dans la cour de l’école. Pourtant, à la sortie, il y avait ses affiches immenses qui s’appropriaient le bleu-blanc-rouge. Il y avait son œil dans chaque regard hostile, sa voix à chaque fois qu’on écorchait mon nom, ses mots dans chaque «les Arabes dehors» tagué sur les murs, il était là, quelque part, partout. Dans ma tête, déjà.

Il a dévoré ma révolte adolescente

Ensuite, il a confisqué mon éveil politique. Je me suis con