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Libération
TRIBUNE

Tunisie : ce régime qui muselle toute voix critique

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Après l’interpellation musclée de l’avocate Sonia Dahmani à Tunis, le journaliste Hatem Nafti décrypte le durcissement du régime tunisien à quelques mois d’une hypothétique élection présidentielle.
Manifestation contre l'arrestation de Sonia Dahmani, une avocate critique du président, devant le palais de Justice à Tunis, le 13 mai 2024. (Jihed Abidellaoui/REUTERS)
par Hatem Nafti, Journaliste et essayiste
publié le 15 mai 2024 à 9h36

C’est une image qui a fait le tour du monde. Dans la soirée du 11 mai 2024, l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani est arrêtée par un important dispositif policier dans la Maison de l’avocat de Tunis où elle avait trouvé refuge. Elle avait refusé la convocation d’un magistrat qui voulait l’interroger sur une boutade tenue à la télévision pour réfuter la théorie complotiste selon laquelle les migrants subsahariens cherchent à «coloniser la Tunisie». Quasiment au même moment – un samedi soir rappelons-le – d’autres policiers interpellent deux journalistes officiant dans la même matinale radio que l’avocate.

La brutalité de l’arrestation, filmée en direct par France 24, donne à l’événement une dimension internationale. Pourtant, si on élargit la focale, on se rend compte qu’il ne s’agit là que d’un nouvel épisode de la dérive autoritaire initiée par le coup d’Etat de Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021. Elu avec de faibles prérogatives (essentiellement la défense nationale et diplomatie), le juriste profite de la crise politique et sanitaire pour décréter l’état d’exception en vertu de l’article 80 de la Constitution de 2014. Bien qu’il n’ait pas respecté les dispositions de ce texte, Saïed reçoit un fort soutien tant au niveau du peuple que de la grande majorité des élites, ravie que l