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Chronique

Ukraine : la guerre des mœurs, par Michael Foessel

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Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Vladimir Poutine présente sa guerre comme un conflit contre les valeurs morales «perverses» de l’Occident. Car si les mœurs se libéralisent en Russie et que les Russes réalisent qu’ils ne s’exposent pas pour cela à un cataclysme, l’équilibre despotique poutinien fondé sur la terreur s’effondre.
Vladimir Poutine lors de son discours au Conseil du ministère russe de la Défense, à Moscou, le 21 décembre 2022. (Mikhail Kireyev /AFP)
par Michaël Fœssel, professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique
publié le 8 mars 2023 à 17h46

Devant un aréopage d’oligarques, de militaires et de popes réunis le 21 février dernier, Vladimir Poutine a présenté une justification au premier abord surprenante de la guerre qu’il a déclenchée contre l’Ukraine. Ce serait une guerre contre l’«Occident», c’est-à-dire «la destruction des familles, des identités culturelles et nationales, la perversion et la maltraitance des enfants jusqu’à la pédophilie». Les popes ne furent pas les seuls à applaudir cette déclaration qui instaure ce qui se présentait jusque-là comme une «opération militaire spéciale» en véritable guerre métaphysique. C’est la «norme de leur vie» (entendez celle des Occidentaux aux âmes et aux corps corrompus) qu’il s’agirait de combattre. Autant dire que le conflit sera plus long que prévu puisqu’il se situe dans le ciel des valeurs.

Il est difficile de savoir quel est l’effet de ce type d’affirmations sur le moral de la société russe. Sur le plan des «bonnes mœurs», il faut rappeler que le taux de divorce en Russie est supérieur à celui des Etats-Unis, tout comme le nombre moyen d’interruptions de grossesses. Quant aux violences infligées aux enfants, il n’existe pas d’ONG et d’associations indépendantes du pouvoir permettant d’en juger. Mais l’argumentaire de Poutine a depuis longtemps quitté le terrain des faits. Po