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tribune

Une balle dans le cœur

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L’écrivain Sélim Nassib réagit à la mort de Nahel en se livrant à un exercice de style, prêtant successivement sa voix à chacune des parties impliquées dans les violences urbaines de ces derniers jours.

La marche blanche à Nanterre en hommage à Nahel, le 29 juin. (Sarah Meyssonnier/Reuters)
ParSélim Nassib
écrivain
Publié le 03/07/2023 à 12h54

Nous, motards policiers, gardiens de la paix, il nous narguait, ce petit con. A son sourire, ses yeux, ça se voyait. Même pas l’âge d’avoir son permis de conduire, et puis cette voiture, une Mercedes, sûrement volée. Vos papiers et il démarre en faisant crisser les pneus, qu’est-ce qu’il croit, on a nos motos, nous, entraînés pour ça, un tournant, deux, on le coince. Même pas honteux, le petit, même pas contrit – mais moqueur, insultant, aucun respect. Y a de l’abus, y a des limites, la rage nous prend. On sort le flingue pour lui faire peur, qu’il ravale son ricanement, efface son sourire, et qu’il comprenne, et qu’il arrête. Lui faire peur ? Que dalle ! Il double la mise, nous met au défi, la haine dans les yeux, l’insulte aux lèvres. «Tu vas te prendre une balle dans la tête», qu’on lui dit. Mais lui, rien à foutre. Il démarre aussi sec, en trombe, de nouveau.

Bon, c’est vrai, on a fait une connerie, on est nerveux nous aussi. On voulait pas ça, je jure qu’on voulait pas ça, c’est parti tout seul, un accident, on l’avait averti. Maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? On est bien embêtés. Y a qu’à