Dans la nuit de samedi à dimanche 25 septembre 2021, à Saint-Bonnet-en-Champsaur dans les Hautes-Alpes, une louve tuée par un tir illégal a été suspendue à l’entrée de la mairie avec l’inscription : «Réveillez-vous ! Il est déjà trop tard.» (1) Dans les Hautes-Alpes, les syndicats majoritaires (Jeunes agriculteurs, FDSEA des Hautes-Alpes) ont justifié le massacre de la louve en avançant que les éleveurs étaient à bout. Quelques jours auparavant, le préfet d’Occitanie avait annoncé sine die le report d’un programme Life européen de près de 8 millions d’euros en ne le soumettant pas aux instances de l’Union européenne. En cela, il répondait à une demande des anti-ours les plus virulents qui ne voulaient pas entendre parler d’un programme visant l’amélioration de la connaissance de l’ours et surtout une recherche pour des solutions de coexistence durable. Dans l’Est de la France, chaque année, des actes de destructions illégales sont commis envers le seul grand félin d’Europe, le lynx boréal. Malgré le statut «en danger» de l’espèce en France métropolitaine, les enquêtes stagnent et n’aboutissent presque jamais. Récemment, la Chambre d’agriculture de Bourgogne-Franche-Comté a même demandé le tir à vue des loups et des lynx qui passeraient à proximité des élevages. Le préfet de l’Ardèche vient d’autoriser des tirs de loup avant même que des mesures de protection (clôtures électriques, chiens, gardiennage) ne soient mises en place (2).
Si l’on peut comprendre les légitimes plaintes et inquiétudes des éleveurs face à la présence des grands carnivores, les faits montrent que l’on va en sens inverse de ce qu’il faudrait faire. Comme disait dans les années 2000 le chercheur en environnement Laurent Mermet : «Alors que l’on n’en fait pas assez pour la nature, des voix s’élèvent pour dire que l’on en fait beaucoup trop !» Et ces actes et décisions dont se félicitent certains syndicalistes agricoles ne sont pas forcément représentatifs de ce qui se passe sur le terrain, et n’améliorent en rien la situation des éleveurs. Les difficultés des filières ovines sont anciennes et profonde (3).
En tant que citoyens, chercheurs et acteurs œuvrant pour une cohabitation harmonieuse entre les activités humaines, les grands carnivores et la biodiversité, nous demandons :
Que la justice et les services de l’Etat fassent toute la lumière sur ces atteintes à la protection de la nature. En un an, de nombreux loups ont été abattus illégalement, trois ours sont morts dans les Pyrénées, des destructions illégales de lynx ont lieu et sont passées sous silence (dans le Jura et les Vosges). Alors que du côté des Espagnols qui partagent la population d’ours, des enquêtes fouillées ont rapidement identifié les responsables, côté français, il n’y a eu aucun avancement notable.
Que l’impunité dont bénéficient les opposants à l’ours, au loup et au lynx, qui ne proposent pas de solutions constructives, cesse. Alors qu’ils appellent ouvertement à désobéir aux lois et règlements de protection de l’environnement, ils tendent à bénéficier d’une bienveillance des préfets qui cèdent à leurs exigences.
Que la politique de tir légal de loups soit plus strictement encadrée, car des tirs, non légitimes du point de vue des possibles dérogations à la protection ne contribuent aucunement à la coexistence avec les activités d’élevage.
Que les services de l’Etat encouragent, par tous les moyens techniques, sociaux et scientifiques, les dispositifs permettant d’aider les activités agricoles dans une cohabitation durable avec la faune sauvage. A ce titre, nous demandons que le préfet d’Occitanie soumette à l’Union européenne le programme Life retiré pour répondre aux pressions des associations anti-ours.
Par ailleurs, partout en France, sur le terrain, des acteurs de l’agriculture et de l’environnement travaillent ensemble à faire émerger des solutions qui permettent une durabilité des activités agricoles dans un environnement préservé pour le bien-être de tous. C’est cela la priorité. Réveillez-vous !
Parmi les signataires : Farid Benhammou, Géographe chercheur associé Laboratoire Ruralités, Vienne, Isabelle Autissier, présidente d’honneur de WWF France, Marine Drouilly, Chercheure sur les interactions humains-faune sauvage, Aube, Jean David Abel, Pilote du réseau Biodiversité de FNE, Drôme, Ève Afonso, Maître de conférence à l’Université de Franche-Comté, Doubs, Marie Amiguet, Autrice-réalisatrice, Vosges, Lalia Andasmas, Juriste spécialisée en droit animalier, Somme, Samuel Arlaud, Eleveur, géographe, enseignant-chercheur au Laboratoire Ruralités, Vienne, Charlotte Arnal, Projet Humanisma, Aix-en-Provence, Christian Arthur, Président de la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères, Hautes-Pyrénées, Yann Artus-Bertrand, Photographe, Paris, Pierre Athanaze, Vice président de la Métropole de Lyon, président de Nature Rewilding France, Rhône, Florian Attias, Etudiant en Physique-Chimie, Isère, Mickaël Baars, Technicien de laboratoire, Aube, Jacques Baillon, Naturaliste, Loiret, Cyril Dion, Ecrivain, réalisateur, poète et militant écologiste, Eure-et-Loir…