Le 27 octobre 2005, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Zyed Benna et Bouna Traoré rentrent d’une après-midi à jouer au football avec des amis. Une patrouille de la BAC les prend en chasse. Ils se réfugient dans l’enceinte d’un poste électrique EDF et y meurent électrocutés. Zyed et Bouna sont morts pour rien. Vingt ans plus tard, que nous disent ces prénoms devenus familiers – Zyed, Bouna, Adama, Nahel – sinon la même phrase qui s’obstine : ça continue.
Combien, aux profils semblables, sont morts pour rien ? Où commence la chaîne ? A partir de quand nous sommes-nous habitués ? Quand avons-nous jugé «normal» que certains soient plus souvent tutoyés, insultés, humiliés, violentés, tués ? Faut-il remonter à l’époque où, dans les empires, l’armée soumettait et la police administrait, pour classer, quadriller, discipliner des populations entières ? Aux années 1930, quand la brigade nord-africaine menait des rafles dans les «quartiers musulmans» de Paris ? Aux années 1950, quand la brigade des agressions et violences, prétendant lutter contre une «criminalité nord-africaine», installe des pratiques qui culminent au 17 octobre 1961 : coups, humiliations, morts. Ou à 1973, année de violences racistes extrêmes – des dizaines d’assassinats et des centaines de