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TRIBUNE

Viols de Mazan : le sommeil hanté des femmes, par Martine Delvaux

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Le procès vient confirmer le fait que, pour nombre de femmes, la nuit est synonyme de danger. Comment trouver le repos sans craindre d’être violentée ? s’interroge l’écrivaine québécoise alors que le procès est en pause durant une semaine.
L’envers de la figure de la belle au bois dormant, endormie contre son gré, est la figure de celle qui ne peut pas dormir, celle qui n’arrive plus à trouver le sommeil, que la violence condamne aux nuits blanches. (Véronique Durruty/VOZ'Image)
par Martine Delvaux, écrivaine québécoise
publié le 2 novembre 2024 à 10h24

Alors que le procès de Mazan est mis en pause pendant une semaine, Caroline Darian, la fille de Gisèle Pelicot, annonce entrer en clinique afin de se refaire des forces et de pouvoir, à nouveau, dormir.

Dormir alors que l’arme utilisée par Dominique Pelicot était le sommeil. Dormir alors que Caroline Darian soupçonne celui qu’elle appelait papa de l’avoir, elle aussi, intoxiquée pour l’agresser : quand il jure ne pas l’avoir fait, elle lui répond qu’il s’agit d’un mensonge. La question de l’inceste traverse le procès de Mazan, à la fois le statut de «bon père de famille» de nombre des accusés, y compris Dominique Pelicot, ainsi que les images trouvées dans l’ordinateur de ce dernier et qui montrent sa fille, Caroline, photographiée à son insu, ainsi que ses belles-filles, épouse et ex-épouse de ses fils – des images qui ont été diffusées sur Internet. Cette dimension de l’inceste qui semble retenir moins l’attention, mais qui revient, ici, en boomerang.

Car comment dormir quand on est hantée par de telles images (de sa propre mère) et harcelée par le doute (concernant les gestes de son propre père) ? Comment fermer les yeux quand le sommeil est l’état dans lequel l’abus (y compris le sien) a eu lieu ? Comment se reposer sans craindre d’être violentée, et de l’être, encore une fois, à son insu ? Comment, enfin, retrouver la possibilité de rêve