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TRIBUNE

«Ulysse à Gaza», la pièce qu’on ne peut plus monter de Tel-Aviv à Boston

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Bouleversé par les accents prophétiques du texte, le metteur en scène israélo-américain Guy Ben-Aharon s’interroge sur l’impossibilité, dans le contexte actuel, de produire à nouveau «Ulysse à Gaza», rare pièce israélienne à aborder la question de l’enclave sous blocus.
Ken Cheeseman et Jeremiah Kissel dans «Ulysse à Gaza», jouée à Boston en 2015. (Paul Marotta)
par Guy Ben-Aharon
publié le 5 février 2024 à 7h36

En 2015, j’ai dirigé la première américaine d’une pièce israélienne qui s’emparait de la question de Gaza. Cette pièce, je ne pourrais plus la monter aujourd’hui.

Ulysse à Gaza, de Gilad Evron, est l’histoire d’Izakov, un avocat juif israélien qui défend deux clients : un enseignant palestinien, surnommé Ulysse, arrêté par les autorités israéliennes pour avoir tenté de rejoindre Gaza sur un radeau fait de bouteilles en plastique dans l’espoir d’y apporter de la littérature russe, et un fonctionnaire israélien du ministère de la Défense, Seinfeld, qui cherche à savoir si le blocus de Gaza pourrait entraîner des poursuites contre Israël pour crimes contre l’humanité.

La première mondiale en Israël n’avait pas été facile à monter. Un acteur juif avait refusé le rôle-titre, craignant d’être blacklisté du circuit commercial par la suite, et le rôle a finalement été confié à un citoyen palestinien d’Israël. Malgré tout, il y a eu plus de 80 représentations et la production a remporté le prix de meilleure pièce originale lors de la plus prestigieuse cérémonie célébrant le théâtre israélien. Le dramaturge, Gilad Evron, m’a raconté qu’il s’était un jour assis à côté d’un Palestinien dans le public – à la fin du spectacle, ce dernier lui a pris la main en lui disant «merci». Le cri d’Ulysse avait résonné.

C’est mon malaise qui m’a poussé à travailler sur cette pièce

Lorsque j’ai mis en scène Ulysse trois ans plus tard à Boston, je savais