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Libération
L'édito de Paul Quinio

Un budget 2025 avec vue sur l’amer

Gouvernement Bayroudossier
On trouve de quoi se réjouir et s’alarmer dans le projet de loi de finances présenté ce jeudi 10 octobre par Michel Barnier. Mais l’exercice budgétaire pour 2025 délivre surtout une leçon inquiétante sur la situation politique en France.
Lors de la présentation du projet de loi de finances 2025, le 10 octobre à Paris. (Denis Allard/Libération)
publié le 10 octobre 2024 à 21h17

On pourrait. On pourrait comme chaque année se pencher sur le budget pour en saisir le cap, le sens politique, les messages envoyés aux Français sur les orientations majeures de l’année qui va s’ouvrir dans quelques mois, voire, rêvons un peu, des années à venir. Car le budget de Michel Barnier, malgré les conditions rocambolesques de son accouchement, contient bien sûr quelques idées-forces qu’il est utile de souligner. La première a été martelée sitôt sa nomination à Matignon : la situation budgétaire dans laquelle se trouve le pays impose d’urgence de se serrer la ceinture. La barre a été fixée à 40 milliards d’économies. On pourrait se réjouir aussi de voir le Premier ministre tordre le cou à l’interdit macroniste d’augmenter les impôts. Et même de voir dans les contributions demandées aux grandes entreprises et aux plus riches des Français un signe de justice fiscale. Si vous y ajoutez l’abandon de la réforme de l’assurance chômage qui figure en quelque sorte dans une note de bas de page du projet de loi de finances, on interpréterait à raison ce budget comme une vraie claque pour le président de la République.

On pourrait aussi, en se réjouissant moins, s’étonner des coupes qui affecteront les politiques environnementales. Avertir aussi que l’autre message essentiel du Premier ministre, qui répète que les classes moyennes ou populaires ne seront pas affectées par le serrage de vis, est un bobard. Tout cela, et bien d’autres choses encore, doit être décortiqué, soupesé, économiquement, politiquement. Il y va de la marche du pays pour l’année qui vient. Et pourtant… Une petite musique nous indique aussi que quelque chose cloche. Quelque chose de plus important encore que les déficits publics, de plus important qu’une augmentation d’impôt par-ci ou qu’une coupe dans une prestation par-là. Car quand vous avez à la tête du pays un Premier ministre dont l’avenir dépend en grande partie du bon vouloir de l’extrême droite, un attelage majoritaire qui menace à chaque instant de verser dans le fossé, et une opposition de gauche qui fait semblant d’être unie mais reste tétanisée par son impuissance, on se dit que cet exercice budgétaire, au-delà de ses orientations fiscales, sociales, économiques, et finalement politiques, délivre une leçon bien plus inquiétante : la France patauge dans un tel marasme démocratique qu’un budget n’est même plus l’occasion de fixer un cap.