La 49e cérémonie des césars, qui aura lieu ce vendredi soir à l’Olympia, a déjà connu sa répétition générale : c’était la 75e cérémonie des Golden Globes, le 8 janvier 2018 à Hollywood, quand les présentatrices et candidates étaient montées sur scène toutes vêtues de noir, et où Natalie Portman, Laura Dern, Elisabeth Moss, Salma Hayek et Nicole Kidman avaient utilisé leur temps de parole pour soutenir les nombreuses victimes du producteur Harvey Weinstein, appelant l’industrie du cinéma à faire son mea-culpa et à mieux protéger les femmes sur les tournages.
Ce tremblement de terre s’annonce dans sa version française comme une véritable collision de plaques tectoniques, faisant fondre les pouvoirs en place et libérant de nouvelles forces réparatrices. Car ce n’est pas un prédateur tout puissant qui est ici au centre des accusations, mais trois, cinq, douze, peut-être cent petits prédateurs qu’il faudrait dénoncer, des sommets du cinéma d’auteur aux bas-fonds de la production commerciale. Celle qui a libéré ce magma incontrôlable est l’actrice-réalisatrice Judith Godrèche, par une formule incantatoire terrible de simplicité : «La petite fille en moi ne peut plus taire ce nom. Il s’appelle Benoît Jacquot.» Celle qui avait 14 ans au moment des faits a depuis déposé plainte contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour viol sur mineure de moins de 15 ans. C’est elle qui prendra la parole ce vendredi soir, en direct et en clair, réconfortée déjà par le soutien d’autres actrices mais surtout par sa propre délivrance de l’emprise.
Dans l’immédiat, il y a déjà une chose que le cinéma français peut libérer ce vendredi soir, et c’est la parole des hommes. Car pendant la cérémonie des Golden Globes de 2018, aucun acteur ou réalisateur homme n’avait eu le moindre mot pour les femmes vêtues de noir au premier rang, la moindre allusion à l’éléphant dans la pièce, la moindre solidarité envers les victimes du système dont ils font partie et dont ils ont largement bénéficié.
Et après la cérémonie ? La route est encore longue mais déjà, qu’elle parait lointaine, cette tribune appelant dans le Monde à défendre «une liberté d’importuner», et qu’il paraît impropre, ce soutien d’Emmanuel Macron à Depardieu, décrit par le Président comme «la fierté de la France». Avec les hommes ou sans eux, les plaques bougent.