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Libération
Entretien

Wilfried Lignier : «Les relations sociales nous construisent avant même la naissance»

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Dans son dernier essai, le sociologue réaffirme le primat de la «société» dans la construction de l’individu et de sa personnalité. Un plaidoyer qui appelle la discussion.
La série «Nouveau-nés», réalisée en 2008, a immortalisé une centaine de bébés pendant la première heure de leur vie. (Thierry Bouët)
publié le 14 septembre 2023 à 10h46

Pourquoi les nouveau-nés français pleurent-ils crescendo quand les petits Allemands poussent leurs cris de haut en bas ? Pourquoi 82 % des fillettes de 2 ans jouent à la poupée et seulement 19 % des garçons ? Pourquoi je n’aime pas les champignons ? Et pourquoi est-il si pingre ? Pour expliquer l’individu, ses goûts et ses désirs, on a tendance à se tourner vers la psychologie, l’histoire de la famille, les grands événements qui marquent une trajectoire. Avec La société est en nous (Seuil 2023), en librairie ce jeudi, Wilfried Lignier, chercheur au CNRS, réaffirme une piste négligée par une époque fascinée par les neurosciences et la puissance de la volonté («Quand on veut, on peut»), celle de la sociologie. La société ne nous influence pas seulement, théorise le sociologue, «elle est en nous».

Dès le ventre de la mère, «l’ordre social est déjà là», dit-il, citant études et observations. Serions-nous des êtres 100 % sociaux ? Si une telle affirmation est provocante, voire déprimante par son caractère radical, elle ouvre aussi de nouvelles tentatives de compréhension de soi, car on «est» quelqu’un toujours par rapport aux autres. L’essai de Wilfried Lignier a pour ambition de créer, au côté des langues psy et des sciences biologiques, un «langage sociologique» qui aborderait la petite enfance, la vie de famille, les rapports de couple. Ce «manuel», ironiquement autobaptisé «anti-manuel de développement personnel», réhabilite «les temps faibles» du q