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Yann Diener : «L’engouement pour ces IA dit en réalité beaucoup de notre difficulté à parler ensemble»

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Intelligence artificielle (IA) : de la fascination à l'inquiétudedossier
Pourquoi parlons-nous autant avec des intelligences artificielles ? Confidentes pour certains, amies pour d’autres, elles s’incrustent plus que jamais dans nos vies intimes. Pour Yann Diener, notre usage des outils conversationnels interroge notre rapport au langage.
Aujourd’hui, les IA donnent des réponses, sur un ton docte et rassurant, même si les réponses ne sont pas toujours documentées, ni vraiment très justes. (Ian Spanier/DEEPOL by plainpicture)
publié le 29 mai 2025 à 21h05

«Au milieu des années 1960, le premier robot de conversation a pris la forme d’un psy ! A cette époque, les ingénieurs informaticiens commençaient à concevoir des programmes qui avaient la capacité de répondre, comme dans les jeux d’échecs. Ils ont aussi imaginé des robots capables de répondre à un homme. Le premier programme conversationnel s’appelle Eliza, conçu sur le modèle du psychologue américain, Carl Rogers, et connu pour reformuler les questions – comme dans une caricature de psy. On posait donc une question à Eliza, qui répondait : «Penses-tu vraiment que tu as besoin de conseils sur ce sujet ?» Aujourd’hui, c’est le contraire, les IA donnent des réponses, sur un ton docte et rassurant, même si les réponses ne sont pas toujours documentées, ni vraiment très justes. C’est peut-être cela qui séduit les adeptes de conversations avec IA. Ce qui compte, c’est ce ton rassurant «je sais répondre». Et le fait d’avoir des réponses dans un monde de plus en plus incertain. Nous, les êtres humains, avons très envie de ça.

«On a fabriqué ces machines, à partir de ce qu’a créé Alan Turing. Aujourd’hui, ce pionnier de l’intelligence artificielle serait catégorisé autiste Asperger. A 12 ans, il confie dans ses lettres qu’il est très mal à l’aise avec la parole. Ses profs le lui reprochent et, à son ami du collège, il déclare : je vais inventer une machine qui sera mon porte-parole. Et il crée, d’une manière très rigide, avec le zéro et le un, le codage informatique binaire.