Il fallait bien que la cour audiovisuelle eût son bouffon; elle l'a: c'est Jamel, beur teigneux et contrefait du 78. On imagine volontiers les huiles de Canal +, qui a fait son succès, se pâmer devant cet animal exotique et douloureux amené au salon, et qui mime à l'écran, souvent avec bonheur, le monde de la cité. On les entend d'ici flatter, verre en main, leur rachitique albatros suburbain: «Génial, notre rebeu, non? Et quel humour! Quelle rage! Quelle fraîcheur!» Et bien sûr, ces parisiens n'ont pas tout à fait tort: Jamel a un réel talent de bouffon. Il utilise son petit corps et sa face cabossée en artiste de ses difformités. Il bouge et se tord et court comme une bestiole, dans un espace blanc et vide qui le met en valeur, le fait exploser. Il se dédouble, se multiplie, en gargouille répétée sur un toit. Pour commenter l'action de ses sketchs, il colle son visage à l'objectif, comme un insecte sur une vitre. Et sa main droite, toujours coincée dans la poche avant du jean's, signe l'image d'un zeste de gêne et d'inutilité. On croirait voir le nain des Ménines sortir du cadre et prendre vie sous l'oeil des visiteurs. Le téléspectateur-roi s'amuse.
Ce formidable corps nerveux, cette voix de cité percée par des accents coluchiens, que montrent-ils? La cité, donc. Quel que soit le sujet abordé dans les sketchs du mercredi soir sur Canal +, un viol, X-Files, Clinton et Monica, c'est bien l'univers clos et narcissique des «cousins» ils doivent s'y reconnaître que Jamel ex