Avis d'invasion de moustaches touffues sur les petits écrans. La raison ? La multiplication de séries situées dans les années 80. Entre les «anciennes» The Americans, Halt and Catch Fire, et les petites nouvelles Show me a Hero (minisérie de David Simon sur HBO) ou Narcos, la décennie des épaulettes et des rideaux à fleurs est à l'honneur. Probablement parce que beaucoup de scénaristes en activité aujourd'hui sont des quadras qui revisitent ainsi le complexe contexte de leur enfance. Et aussi parce qu'y éclorent quelques petites choses qui servirent de creuset à notre présent : fin de la guerre froide, naissance d'Internet ou de la politique moderne, et essor exponentiel du trafic de drogue venu d'Amérique du Sud.
Le projet de Narcos est ultra-ambitieux : il s'agira de balayer, sur plusieurs saisons (quatre ou cinq), la naissance des trafics de cocaïne et leur transformation en empires violents et tout puissants. Pour la première saison, le créateur de la série Chris Brancato et son équipe se sont concentrés sur la Colombie, bien sûr, et celui qui a inventé dans la démesure la figure du narcotrafiquant : Pablo Escobar et le cartel de Medellín.
Sous les traits (et la moustache, donc) du potelé Wagner Moura, Escobar surplombe Narcos avec une sauvagerie tranquille et un brin de naïveté (songeant même à une carrière politique), et ses coups de force comme ses caprices dictent le rythme trépidant de la série. Le criminel le plus riche du monde (son empire rapporte, à la fin des années 80, 60 millions de dollars par jour) est du genre à admirer ses hérons de l'Himalaya en fumant un petit joint le soir, ce qui le détend après avoir commandité le meurtre d'un candidat à la présidentielle.
Cette figure terrifiante, et néanmoins charismatique, fait évidemment un peu d’ombre au reste. Les deux Starsky et Hutch de la lutte antidrogue qui le traquent sans relâche -le brun Mexicain Javier Peña (Pedro Pascal) et le blond Américain Steve Murphy (Boyd Holbrook) - ont plus de mal à exister pleinement, même s’ils sont jolis à regarder avec leurs blousons en cuir gold et leur air de star du pornos à papa. Mais le blondinet se rattrape de sa relative fadeur à l’écran par le récit en voix off qu’il incarne avec beaucoup de trempe, narrant sur un ton badin et insolent la pesanteur objective du réel.
Ce réel pourtant, Narcos ne l'oublie jamais : des images d'archives, JT relatant tel ou tel attentat ou interviews de certains protagonistes, ponctuent ça et là les épisodes, procurant à l'ensemble un effet très efficace. Ce qui devrait nous éloigner de la fiction nous y plonge davantage, et la greffe entre documentaire et romanesque prend. Et de là, s'élance un vertige palpitant.