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«Roar», les ennuis fauves

Qualifié de film «le plus dangereux du monde», la ressortie en version restaurée du document de Noel Marshall, initié au début des années 70, retrace sa vie entouré de tigres, lions et panthères.
(Photo DR)
publié le 30 octobre 2015 à 17h16

«On ne pouvait pas filmer l'acteur avec le tigre, c'est impossible», déclarait à la sortie de l'Odyssée de Pi son réalisateur Ang Lee, justifiant l'emploi de convaincants trucages numériques pour filmer la cohabitation humain-fauve dans une barque en perdition qui vaudront au film l'oscar des meilleurs effets visuels en 2013. Une affirmation contredite plus de trois décennies auparavant par Noel Marshall et son (unique) réalisation, une perle, taxée à juste titre de «film le plus dangereux du monde» : Roar. Soit «rugir», en français.

Marshall, amoureux des bêtes, y incarne un personnage tout aussi passionné par la faune : Hank, scientifique reclus en Afrique de l’Est dans une maison servant de refuge à près de 150 grands fauves. Pour de vrai. Pas de fond vert, pas de créatures mécaniques : lions, panthères et tigres déambulaient librement autour des comédiens et de l’équipe du film.

Roar s'ouvre sur un avertissement prévenant que «malgré les apparences, aucun animal n'a été blessé sur le tournage». Les 70 personnes attaquées durant la même période ne peuvent pas en dire autant. L'introduction crédite également les fauves au scénario et à la mise en scène, précisant qu'ils faisaient, pour la plupart, ce que bon leur semblait devant la caméra. Véritable bide à sa sortie en 1981, après onze ans de production, Roar vient de sortir en DVD dans une version restaurée permettant d'apprécier les prises de risques insensées de son géniteur et de sa famille.

Noel Marshall, manager et mari de l'actrice Tippi Hedren, avait en effet embarqué son épouse et leur fille Melanie Griffith dans l'aventure. La première, déjà rompue aux houleux tournages animaliers grâce aux Oiseaux de Hitchcock, s'est fracturé la jambe lors d'une scène avec un éléphant récalcitrant. La seconde doit l'une de ses premières opérations de chirurgie esthétique à une griffure de lion ayant failli la défigurer. Quant au chef opérateur, Jan de Bont, dont c'était le premier tournage américain après ses collaborations avec son compatriote néérlandais Paul Verhoeven, il a tout simplement été scalpé par un fauve, récoltant 100 points de suture au passage.

Le projet est initié au début des années 70 lorsque Marshall et Hedren, tombés amoureux des grands félins lors d'un séjour en Afrique, décident d'en élever dans leur villa de Beverly Hills, comme d'autres chouchouteraient des teckels. Quand le cheptel dépasse la centaine de têtes, la famille déménage dans un ranch à une soixantaine de kilomètres au nord de Los Angeles, où se déroulera la majeure partie du tournage de Roar, à l'exception de quelques scènes tournées en Afrique.

«Quand on connaît l'histoire de sa production, on peut voir la terreur perpétuelle dans les yeux des comédiens entourés de prédateurs», écrivait récemment le distributeur Tim League dont la société Drafthouse Films a ressorti le film outre-Atlantique, en avril. Marshall, disparu en 2010, l'avait financé en grande partie sur ses deniers personnels, puisant dans une fortune amassée en produisant l'Exorciste, de William Friedkin, autre tournage riche en émotions fortes.