Tanya Habjouqa est une photographe née en 1975 en Jordanie, qui vit aujourd'hui à Jérusalem-Est. Dans sa série Occupied Pleasures, elle capte, en une quinzaine d'images, des scènes de la vie quotidienne sur le sol palestinien. Dans une interview au site Medium, elle affirmait : «Le conflit israélo-palestinien est l'un des conflits les plus couverts au monde, ce qui en fait un espace très intimidant à photographier - peut-on vraiment sortir quelque chose de nouveau ?» Ce que Tanya Habjouqa montre n'est pas littéralement «nouveau», mais il l'est à nos yeux. A la fois ahurissant, surréaliste et aussi très drôle. De la zone des Territoires occupés, que l'actualité transforme en un décor de mort, de privations et de combats, la photographe expose la réalité. Une jeune femme porte un foulard sur la tête fait du yoga et médite devant un paysage désertique, que les JT nous habituent à voir peuplés de drones ou d'avions. Une jeune fille s'entraîne au javelot (ci-contre), une famille pique-nique dans une oasis, un homme fume une cigarette dans sa voiture alors que, sur le siège passager, se tient un mouton qui s'apprête à être égorgé. Ailleurs, le corps d'un jeune homme est inanimé dans une piscine. On pourrait croire qu'il est mort. Il fait juste la planche. Toute la série Occupied Pleasures, qui va être l'objet d'un livre (financé par un crowdfunding et publié par Fotoevidence), fonctionne sur les attentes, les nôtres, nous qui suivons ce territoire depuis le confort de nos écrans. En montrant qu'il y a, malgré la menace constante, la guerre, les morts des proches, la présence permanente de la barrière de séparation israélienne, une vie, avec son lot de moments familiaux, de détente, d'engueulades, de tournois sportifs, de séances de maquillage entre filles le samedi soir, Tanya Habjouqa refuse de cantonner les Palestiniens dans la posture complaisante, quasi-orientaliste, de «victimes». Elle en fait de simples êtres humains, nimbés de la bizarrerie de l'ordinaire (on pense souvent à l'humour pince-sans-rire de Jim Jarmusch), hommes et femmes vaquant à leur vie et qui, comme partout ailleurs, devraient finir par avoir les mêmes droits que tout le monde.
Photo
Plein cadre : Palestine, plaisirs quotidiens
*** Local Caption ***
Middle East Occupied Pleasures women sport leisure (Tanya Habjouqa. Panos Rea)
par Clément Ghys
publié le 30 octobre 2015 à 17h16
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