Trouver une place (pour se garer), faire un créneau (et tester son habileté à la manœuvre), se racheter une conduite (et plaire aux piétons)… Pour qui roule Nathalie Kosciusko-Morizet, à quoi carbure-t-elle (ou son petit bolide politique) ? Et, est-ce que sa visibilité de face, avec quand même un œil dans le rétroviseur, est suffisante pour la mener à bon port ou droit dans le mur ? On peut broder longtemps et sans trop se fatiguer, avouons-le, sur la photographie de NKM en «driveuse» chic. Elle a appris, par une dépêche de l'AFP, que Nicolas Sarkozy la virait du poste de numéro 2 du parti Les Républicains (LR) pour cause de non-orthodoxie de la ligne de, hum, conduite sur le «ni-ni» aux régionales qu'elle n'a cessé, la veille, de vilipender sur différents plateaux télé. On notera qu'elle ne vient pas en taxi, ni à vélo au bureau politique de son parti, et que celle qui briguait la mairie de Paris en 2014 assurant dans une interview à Elle qu'elle prenait souvent le métro, «un lieu de charme, à la fois anonyme et familier» où elle avait des «moments de grâce», tient elle même le volant pour venir se faire arracher ses galons par l'homme qui fut un temps son mentor et fan. Les gazettes sont pleines d'anecdotes sur le couple NKM-Sarkozy. Comment ces anciens complices qui se recouvraient mutuellement d'adjectifs onctueux, appâtés par leurs talents respectifs, ont fini par littéralement ne plus pouvoir se supporter. Le Canard enchaîné rapporte, par exemple, que NKM aurait déclaré : «Comme homme politique, Sarko est formidable, mais comme homme tout court, il est pathétique.» Et, toujours selon le Canard, lui aurait affirmé : «En la nommant numéro 2, je pensais qu'elle me ramènerait les modérés. Que dalle ! Elle ne me ramène que des emmerdes.»
Est-ce qu'elle a seulement dormi ? Coiffée, maquillée, le trait de rouge à lèvres couleur sang, vêtue sobrement de teintes sombres, l'image du brin de femme indépendante qui se déplace toute seule, sans aide de camp, conseillers en com planqués sur le siège arrière, vient habilement souligner ce chemin de solitude qu'elle décide de tracer en disant ses quatre vérités au leader LR qui n'avait rien trouvé de mieux, en pleine soirée électorale à enjeux, que d'assister au Parc des princes au match de foot Lyon-PSG. «Penser que le parti se renforce en s'épurant, c'est une vieille idée stalinienne», a-t-elle balancé en guise de commentaire à sa mise sur la touche au profit de Laurent Wauquiez.
En juillet 2012, en lançant son mouvement La France droite, elle dit : «Je me déclare totalement sarkozyste.» On est alors à quelques semaines de l'échec du président sortant à arracher des urnes un second mandat. NKM a été pendant des mois porte-parole censément moderne d'une campagne réactionnaire guidée par Patrick Buisson, et elle a donc eu tout loisir d'avaler des couleuvres en continuant de garder le sourire. Elle cultive son style tout en tension et nonchalance. On l'avait vue, en 2009, poser enceinte, allongée au milieu des feuilles mortes du ministère de l'Environnement comme un personnage de jeune fille anglaise dans un tableau romantique vaguement kitch. On la retrouvait trois ans plus tard, adossée contre un mur, fumant une clope avec trois SDF polonais. Une touche d'artificialité entache systématiquement toutes ces prestations iconographiques où on serait tenté de dire qu'elle joue faux, ou mal, qu'elle fait visiblement semblant d'être à l'aise, de même qu'ici elle s'en fiche moins qu'elle voudrait bien le faire croire. Le combat tactique incessant accroché à une rhétorique de conviction, les alliances et les ruptures, la navigation à vue et le flair arriviste fatigue tout le monde. Et pourtant, lâchant les freins comme on lâche les chiens, son embardée dimanche soir avait un panache exceptionnellement réjouissant.