«Ce jeune garçon qui a tant fasciné Mishima en lançant une pierre sur le cortège impérial, on pouvait imaginer qu'il jetait un pavé à la face du monde. En réalité, il commettait un coup d'Etat intérieur.» Rencontré fin juin, le scénariste de manga Eiji Otsuka évoquait ainsi le terreau sur lequel a éclos Mishima Boys qui vient de paraître. En imaginant une cabale dont seul l'écrivain nationaliste a les clés, Otsuka évoque plusieurs attentats qui ont ébranlé le Japon des années 60. Dont cette pierre destinée au cortège impérial, incarnation du divin ainsi renvoyée à sa vulgaire humanité. Sous le trait versatile de Seira Nishikawa, qui bascule entre crayonné effilé et imagerie quasi documentaire, les pulsions sexuelles des ados conspirateurs se confondent à la violence animale qu'autorise leur dessein commun. Thriller passionnant dans ses chausse-trapes graphiques et son enchevêtrement des langages du manga, du cinéma et du théâtre, Mishima Boys souffre aussi d'être cryptique, plusieurs lectures étant nécessaires pour dénouer les jeux de masque et les bascules du réel au fantasme. A eux seuls, les «boys» constituent une énigme. Ils se nomment K, Y et M : lettres et le néant. Trois incarnations du nihilisme antihumaniste qu'Otsuka lit en Mishima, trois cadres vides sur lesquels projeter sa révolution intérieure ou trois échos d'un pays en équilibre au bord du précipice, que les révoltes étudiantes, l'extrême droite et des factions d'extrême gauche prêtes à basculer dans le terrorisme précipiteraient volontiers dans le vide.
Manga
«Mishima Boys», dessein commun
En imaginant une cabale dont seul l’écrivain nationaliste a les clés, Otsuka évoque plusieurs attentats qui ont ébranlé le Japon des années 60.
Tokyo, avril 1959 : l’attentat contre le prince héritier Aki-Hito, le jour de son mariage. (Dessin Seira Nishikawa)
Publié le 29/01/2016 à 17h41
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