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P°hoto / Les hauts plateaux

Le plasticien allemand Joachim Schmid a accumulé et classé des images de repas de compagnies aériennes. Bon appétit.
(Photo Joachim Schmid)
publié le 4 mars 2016 à 17h13

Le site internet de la revue britannique Another Magazine est récemment allé fouiller dans l'immense fonds visuel «Other People's Photographs» accumulé par le plasticien allemand Joachim Schmid, récupéré sur Flickr ou ailleurs, et classifié par catégories, comme une encyclopédie du contemporain où on ne peut se lasser d'aller piocher. Le site en a retenu ces images de plateaux-repas de compagnies aériennes. Les couleurs sont saturées, les détails un peu sales, rien ne fait vraiment «honneur au plat». Il faut dire que, non seulement ça n'est sans doute pas très bon, mais que rien n'est fait pour que ça en ait l'air. Dans les avions, on mange souvent mal, et ce n'est pas le choix «beef or chicken ?» proposé par le personnel de bord qui y changera quelque chose.

Photo Joachim Schmid

Toutes les images d'amateur compilées ici prolongent le constat simple que, depuis que les appareils ou téléphones sont devenus si accessibles, tout le monde tend à s'amuser à prendre sa nourriture en photo. On ne joue plus avec, on l'immortalise. La particularité de ces plateaux-repas, outre leur aspect repoussant, c'est qu'ils se ressemblent tous. Joachim Schmid : «La nourriture d'avion est différente de celle des restaurants en ce qu'elle est davantage standardisée, préfabriquée mais aussi contrainte par la taille. La superficie de la tablette limite celle du plateau-repas, des portions, etc.» L'autre effet intrigant de ces photos c'est qu'elles sont toutes prises depuis le même angle. Schmid : «Il s'agit toujours de la même distance et donc la perspective change peu.»

Le plus frappant ici est la placidité avec laquelle on regarde ces images. Même si ces saucisses, muffins, œufs brouillés ou salades paraissent franchement dégueulasses, on s’en accommode d’autant plus que tout y est interchangeable. Ces images «volées» excèdent le contexte de la carlingue et présentent quelque chose d’une métaphore de la tambouille prémâchée (gastronomique, culturelle, politique) qui nous est servie quotidiennement.