Les musiciens contemporains qui ont su «curater» une œuvre vidéographique digne de ce nom pour accompagner leurs compositions se comptent sur les doigts d'une main. Daniel Lopatin, auteur d'une discographie riche et complexe sous le nom de Oneohtrix Point Never et grand cinéphile devant l'éternel (et son écran d'ordinateur), compte parmi ceux-là. Lui-même réalisateur de Memory Vague, compilation de saynètes occultes et nostalgiques éditée sur YouTube et en DVD, à laquelle on fait porter le chapeau, sans doute à raison, d'avoir fait naître un mouvement multimédia tout entier (la «vaporwave»), il a essentiellement fait appel, pour mettre en images ses compositions polyfacétiques et souvent déstabilisantes, à des artistes, tous à l'avant-garde de la représentation des sentiments les plus ineffables du réel contemporain : Jon Rafman (Sticky Drama), Takeshi Murata (Problem Areas), John Michael Boling (Boring Angel) et Nate Boyce (Still Life Excerpt). Pour Animals, ballade cybernétique déchirante de son plus récent album, Garden of Delete (paru il y a un an), il a sollicité Rick Alverson, musicien et réalisateur indé en vue (The Comedy), qui a imaginé un étrange dispositif (un double plan séquence segmenté dans une chambre à coucher) au milieu duquel trône un Val Kilmer (photo) émacié, assoupi, fagoté en jogging, un iPhone dans la poche. L'événement principal de ce court film est concentré dans le moment fugace où l'acteur, pas vu au cinéma depuis Palo Alto de Gia Coppola, ouvre les yeux - mais, comme dans la plupart des vidéos de Oneohtrix Point Never, ce qui s'y passe est passionnant parce que rigoureusement impossible à résumer par des mots. Sa vidéographie fait l'objet d'une rétrospective au Hammer Museum de Los Angeles (1), visible jusqu'au 19 novembre. Il est aussi recommandé de visionner la matière de cette intégrale accessible sur Internet. O.L.
Clip / Val Kilmer, calme un peu agité
Val Kilmer dans le clip de Oneohtrix Point Never. (Photo DR)
ParOlivier Lamm
Publié le 28/10/2016 à 18h41
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