A la une de Libération daté de jeudi, un homme, le visage marqué et les traits tirés par la fatigue. Il porte un enfant dans les bras. Derrière, on devine les ruines, la désolation, le froid, la mort. C'était mardi, à Alep-Est. Cette photo hantera longtemps ceux qui assistent impuissants à l'assassinat des civils pris au piège dans les combats. Celui qui a pris ce cliché s'appelle Karam al-Masri. Lui aussi est actuellement prisonnier des bombardements. Karam al-Masri, 25 ans, né à Alep, est collaborateur de l'Agence France Presse depuis 2013. Le jour où il a capturé ce regard, Karam était honoré d'un grand prix de la Fondation Varenne, catégorie «journaliste reporter d'images» pour un reportage sur l'histoire d'un vieil homme qui a choisi de rester à Alep pour prendre soin de ses voitures de collection.
Karam al-Masri a connu les prisons du régime syrien, puis celles du groupe Etat islamique, et vu mourir ses parents dans un raid. Vivant au quotidien les bombardements sur sa ville natale, il a raconté dans un billet du remarquable blog «Making-of» de l'AFP ce que signifiait «couvrir Alep, la peur au ventre et le ventre vide». Il est également correspondant texte dans la partie rebelle d'Alep. Le PDG de l'AFP, Emmanuel Hoog, qui a reçu le prix au nom de Karam al-Masri, a rendu hommage à «ce journaliste AFP à part entière, qui fait preuve d'un courage extraordinaire et d'un professionnalisme exemplaire».
Photo de une de
Libération
ce jeudi. Des habitants d’Alep tentant de fuir mardi une zone rebelle. Photo Karam Al-Masri. AFP
Libération adresse ses félicitations à Karam al-Masri, à l'AFP, et salue le travail de tous les journalistes qui risquent leur vie pour informer, malgré le danger permanent. Nous espérons que Karam, comme tous les civils coincés dans Alep, pourra sortir sain et sauf de la ville et venir recevoir son prix en mains propres.
Libération a, comme l'an dernier, été distingué lors de la remise des prix de la Fondation Varenne. Justine Salvestroni, avec son reportage sur la mode dans l'ancien bloc de l'Est, «T'avais le look coco». Elle succède à Guillaume Pajot, lauréat 2015, pour un reportage en Birmanie publié en mai 2015 dans Libération. Le grand prix a récompensé Audrey Garric, du Monde, pour son reportage «Les saigneurs des abattoirs», une plongée dans le quotidien du plus gros abattoir porcin de France, à Lamballe (Côtes-d'Armor).