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Libération
Arles

Roger Ballen, vision hantée

Le photographe sud-africain a décoré une maison du même univers torturé et anxiogène que l’on retrouve dans ses photos.
Arles, le 5 juillet 2017. Exposition du photographe Roger Ballen (Photo Julien Mignot)
publié le 6 juillet 2017 à 19h56

Sous le choc, une femme sort en s'exclamant : «Quelle expérience incroyable ! Je ne vais pas m'en remettre.» Un court instant plus tard, une autre visiteuse - à qui personne ne demandait rien - concède un lapidaire : «Mais ça n'a aucun intérêt !» Bienvenue chez Roger Ballen (le «chez» étant bien à prendre au sens domestique du terme), un invité qui, à l'évidence, ne risque pas de passer inaperçu à Arles - le directeur des Rencontres, Sam Stourdzé, suggérant pour sa part une «expérience très particulière».

The House of the Ballenesque, titre du projet, n'est pas une exposition, mais une installation spectaculaire, visant à contextualiser l'univers créatif volontiers incommodant du célèbre photographe sud-africain qui, pour l'occasion, cite Gaston Bachelard : «Examinée dans les horizons théoriques les plus divers, il semble que l'image de la maison devienne la topographie de notre être intime.»

Fort tourmenté, pour le coup, celui de Ballen s’étale dans l’effroi d’une masure, où il s’est amusé (?) à disséminer une foultitude d’accessoires poussiéreux aux accents maléfiques : vieux canapé défait révélant un matelas en mousse maculé, poupées au visage déformé, entassées dans un lit à barreaux, animaux empaillés, enchevêtrement d’éléments promis à la décharge (chaises, lampes), mannequins entravés…

Surligné par une bande-son non moins anxiogène, l'ensemble pénombreux, en enfilade et sur deux niveaux, opère comme autant de pièces à convictions destinées, photos (punaisées) et dessins (graffités) en noir et blanc à l'appui (quoique noyés dans le décor crade), à illustrer la pensée d'un auteur proférant : «Quiconque peut se réveiller demain atteint d'une tumeur au cerveau : qu'on le veuille ou non, nous vivons tous au bord du précipice.»

Au terme du parcours, un film ironique dévoile le making of, assorti de témoignages d'autochtones ressemblant à des figurants de Slasher, qui confirment la soi- disant réputation hantée du lieu - «une maison très étrange, infestée de rats, qu'on ne voyait pas en surface, mais qu'on entendait dans les murs et les plafonds».