En 2008, les banquiers du monde entier se donnaient la main pour conjurer les spectres d'effondrement du système économique d'un mantra magique : «Too big to fail». Trop gros pour faire faillite. Dix ans plus tard, c'est un peu l'impression que laisse Shadow of the Tomb Raider. Trop d'argent a été investi dans ce troisième et dernier volet des nouvelles aventures de Lara Croft pour qu'il soit un mauvais jeu. Réimaginée en 2013, l'héroïne qui avait incarné son médium avant de devenir un symbole cheap, était sortie grandie d'un premier épisode qui louchait énormément sur Lost. Sadique mais intelligent, le récit s'attachait à peindre la renaissance du personnage de Lara Croft, qui devait s'extraire de sa condition de proie et se réinventer en chasseuse. Cinq ans plus tard, Shadow of The Tomb Raider se traverse sans déplaisir, sans émotion aussi. Il s'agit toujours de se faufiler dans des anfractuosités, de jouer du piolet le long de parois escarpées, de résoudre quelques énigmes. On se crispe une nouvelle fois à l'idée de massacrer tout ce que compte le règne animal (léopards, perroquets, scarabées, mercenaires), afin de sacrifier à la passion du jeu vidéo actuel pour le crafting, ce besoin d'amasser des matériaux pour améliorer son équipement. Qualités comme défauts, tout est là où on l'avait laissé, servi par des graphismes dignes d'une superproduction moderne. Mais une chose manque cruellement à ce Tomb Raider : le merveilleux. Dissoute dans le déjà-vu, le déjà-joué, cette expédition amazonienne s'attache si bien à remplir son cahier des charges qu'elle ne laisse pas le moindre espace pour le fabuleux ou l'inattendu. Jungle, caverne, village, peu importe : le jeu est fait de telle manière qu'il faudra parcourir ses espaces en utilisant sa vision magique qui permet de détecter d'autres objets à collecter, au risque d'artificialiser l'aventure en la faisant rentrer au chausse-pied dans les cadres voyants du gameplay. Même les splendides panoramas échouent à susciter la moindre émotion tant ils sont attendus, calibrés, offerts avec régularité en récompense d'une longue plongée dans l'obscurité. Comble de cette absence d'idées, le jeu se permet de citer directement Uncharted (en reprenant son escalade enfantine d'un manoir familial), la saga qui l'a tant pillée par le passé avant de la dépasser. Dans l'ombre, Tomb Raider.
Dans la même rubrique