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Sur la plage atomisée

Air. Tout l’été, les cinq éléments revisités par des photographes. Aujourd’hui, les couchers de soleil radioactifs de Julian Charrière.
«Nectar». (Photo Julian Charrière. VG Bild Kunst)
publié le 24 juillet 2019 à 17h26

Soleil couchant, sable fin, clapotis, cocotiers, c'est le paysage du paradis contemporain post-colonial que l'artiste franco-suisse Julian Charrière a photographié en 2016 sur l'atoll de Bikini au cœur du Pacifique. Inhabitée depuis soixante-dix ans, l'île a été sacrifiée par les Etats-Unis. De 1946 à 1958, 23 lâchers de bombes A et de bombes H y ont été effectués, dont celui de Castle Bravo qui fut le plus puissant : une explosion à 7 mètres de la surface de l'atoll provoquant un cratère d'environ 2 km de diamètre et 70 m de profondeur. Les retombées radioactives se propagèrent largement dans la Micronésie. Les habitants de Bikini, à qui les Américains demandèrent, en s'adressant à leur roi, de quitter temporairement leur pays «au nom de l'humanité et pour la fin de toutes les guerres», furent exilés à jamais. Aujourd'hui, l'île est de nouveau accessible à la condition de signer une décharge indiquant que l'on renonce à toute poursuite en cas de cancer.

Julian Charrière a pris le risque d'y séjourner un mois réalisant notamment le film subaquatique Iroojiki dans les eaux atomiques de l'atoll et la série «First Light» composée des photographies de couchers de soleil infestés. Les négatifs de ces crépuscules ont en effet été saupoudrés de poussière endémique et radioactive, faisant apparaîtreles taches lumineuses qui parsèment les tirages. Un procédé qui rend perceptible l'impact de la catastrophe nucléaire sur le paysage.

Julian Charrière né en 1987, travaille à Berlin. Série «First Light».