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«BAN», très proches banlieues

(Photo Henrike Stahl)
publié le 25 octobre 2019 à 17h26

«Je fais le gars de "tess" [cité, NDLR|, mais en fait je suis un putain de romantique.» Un jeune de Montreuil (Seine-Saint-Denis) pose fièrement, casque de moto sur la tête, sur un frison princier à la soyeuse crinière, en pleine cité. Cette photo d'Henrike Stahl a inspiré Abdoulaye Camara et de nombreux jeunes licenciés, filles et garçons, du club de foot du Red Star à écrire sur les photos présentées dans la nouvelle exposition «BAN», inaugurée le 18 octobre à l'Orfèvrerie, à Saint-Denis. Douze photographes présentent leurs travaux pendant trois semaines dans l'ancienne usine Christofle, autrefois désaffectée et temporairement convertie en ateliers d'artistes.

A l'origine du projet, Marie Benaych, jeune commissaire, et Henrike Stahl, photographe allemande résidant à Saint-Ouen, dont la série «Mon Roi», tendres portraits de jeunes de Seine-Saint-Denis, a reçu un accueil très positif au off d'Arles l'an dernier : «Plein de gens découvraient un regard affectif sur la banlieue méprisée.» L'envie alors d'élargir l'expérience, et surtout d'investir les acteurs du 93 à tous les niveaux. Dans le choix du lieu, déjà : «Je viens de Berlin, les usines désaffectées y sont nombreuses, j'avais envie d'un endroit comme ça, puisqu'un de nos atouts de banlieue, contrairement à Paris, c'est qu'on a de l'espace et il faut l'explorer.»

Une partie des photographes exposés sont nés ou vivent en banlieue. Dans «Alzheimer», Marvin Bonheur documente les lieux hantés de ses souvenirs d’enfance dans le 93. Le thème de l’expo s’est cependant élargi à cette question : «Qu’est-ce qu’être au ban ?» On y trouve ainsi les photos de Léo D’Oriano à Blackpool, où ambiance de station balnéaire flirte avec sinistre économique, alors que le chômage atteint 50 % chez les jeunes, ou encore celles d’Aurélien Gillier dans le joyeux désordre de l’hippodrome de Ouagadougou.

Et donc, dernière pierre du projet : ce partenariat avec le Red Star, de l'atelier d'écriture au montage de l'exposition. Mots de conclusion dans la plume de Ryim, jeune footballeuse, qui décrit la photo d'un mec montant haut le biceps, le torse barré d'un «THOR» grossièrement inscrit au marqueur : «Il est balaise mais dans sa tête il crie à l'aide.» Métaphore du constant aller-retour entre férocité et fragilité qui traverse ces images.