«Water, water ! Bring water !» Un cri en anglais accentué d’hébreu, au loin. Il est 7 h 30 dans le désert d’Arabah, entre la frontière israélo-jordanienne, aux collines idylliques, et les serres à poivrons. Ça fait déjà près de deux heures que ça tourne, en ce matin de décembre au froid piquant, sur le bas-côté escarpé d’une route où seuls défilent camions de marchandises et randonneurs acharnés. L’hiver, le désert est ainsi : l’aube gèle les mains, le froid pénètre les os. Mais quand le soleil est haut, les peaux rougissent sans qu’on s’en rende compte. On s’y déshydrate sans soif. Dans ce décor de carte postale, il y a des mines oubliées sous le sable si l’on s’approche trop de la frontière.
«Pas besoin de verres !» La «water girl» - comme tous ici désignent une jeune assistante préposée à l'hydratation de l'équipe - s'élance avec ses bouteilles de flotte vers la mare d'eau de pluie en contrebas où s'achève le monologue en plan-séquence que Nadav Lapid met en boîte depuis l'aube. L'acteur marche en parlant au téléphone, la caméra colle sa nuque et l'équipe technique suit en trottinant. Le cinéaste israélien, ours d'or à Berlin l'an dernier pour Synonymes, est comme en uniforme : lunettes de soleil Aviator sur le nez, casquette kaki sur son crâne rasé, pantalon tombant sur sa silhouette de fil de fer. On s'approche de l'origine des cris. «Shai est tombé !» Shai Goldman , chef opérateur aux épaules de boxeur et menton d'acteur de western.