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Série

«Run», quai largué

Attachante dans les premiers épisodes, la fiction, qui suit les retrouvailles amoureuses de deux quadras à bord d’un train, s’essouffle en injectant du mauvais thriller.
«Run», avec l’impeccable Merritt Wever (à gauche). (Photo HBO )
publié le 17 avril 2020 à 17h51

Dans l'opacité de la jungle sérielle, on comprend le besoin de chercher des points de repère. La tentation de s'appuyer sur le nom d'un créateur pour rattacher une nouvelle production à un continuum. Mais quand The Independant, Time ou, dans un autre genre, Allociné présentent Run comme «la nouvelle série de Phoebe Waller-Bridge», l'affirmation mérite tout de même de gros guillemets. Car non, Run n'est pas un show de l'auteure du formidable Fleabag, puisqu'elle n'officie ici qu'à titre de productrice. En réalité, cette production HBO est chapeautée par Vicky Jones, une amie de Phoebe Waller Bridge qui la dirigeait du temps où Fleabag n'était encore qu'un monologue de théâtre.

La série de Jones débute par un SMS vociférant en lettres capitales : «RUN». Quelques secondes de réflexion, et la quadra Ruby plaque son SUV familial et le parking déprimant où elle s'apprêtait à faire des courses pour filer jusqu'à la gare la plus proche et grimper dans le premier train venu. Elle y retrouve l'expéditeur du message pyromane, Billy, son amour de jeunesse.

Run pose les bases d'une rom-com en huis clos, d'une traversée des Etats-Unis immobile, parce que piégée dans un tube de métal, et frénétique, dans la mesure où les deux tourtereaux envisagent le jeu de séduction comme une partie de cache-cache entre wagon-bar et section couchettes. La légèreté de l'ensemble fonctionne d'autant mieux qu'on sait que les règles de cette love story sont pipées : si Ruby (impeccable Merritt Wever, découverte dans Unbelievable) et Billy, accrochés au mirage de leurs 20 ans, s'interdisent d'échanger les platitudes d'usage et de se définir à travers leurs jobs et statuts sociaux ou sentimentaux, il suffit que l'un tourne le dos pour que l'autre s'empresse de fouiller son téléphone.

Les blagues, les gestes, les corps sont maladroits et touchants, d’autant qu’on sait qu’un compte à rebours pèse sur leur passion. Le trajet finira - on ne sait ni où ni quand - et il faudra statuer : céder au transport amoureux ou revenir sur les rails de la vie de famille.

Sauf que Run ne s'en tient pas à cet axe séduisant. En descendant de ce train trop vite, la série se met à lorgner le thriller. Elle ajoute un sac plein d'argent, un maître chanteur. Et noie les envies de table rase sous des quiproquos vaudevillesques. Au terme des cinq épisodes mis à disposition de la presse, l'apparition fantomatique de Phoebe Waller-Bridge ne suffit déjà plus à sauver Run de l'éparpillement.