La façon dont il passait la main sur son front, ses doigts souples sur un crochet, les pieds lourds, les pieds menus côte à côte sur le plancher : de l’enfance, certains détails reviennent et c’est un tout. La photographie, en capturant un instant, joue un rôle de choix dans la fabrication des souvenirs.
C'est ce champ que l'artiste américain Greg Sand explore. Durant un an, par étapes, il a travaillé sur sa série de collages, «Chronicle» : chronique du temps qui passe. Le premier est une œuvre ambitieuse intitulée Chronicle : passing 6393, référence au nombre de morts chaque heure dans le monde. Pour le représenter, il a rassemblé de vieilles photographies de personnes mortes aujourd'hui, dénichées dans des brocantes et sur Internet. En découpant les visages pour les coller suivant un quadrillage comme des pixels d'un autre âge, il a repéré d'autres détails : les mains, les pieds, les ombres… C'est ainsi que sa série s'est construite.
Greg Sand dit éprouver une grande empathie pour les personnages de ses photographies, suivie d'effroi et de peine. Comme l'écrit Roland Barthes dans la Chambre claire : «En me donnant le passé absolu de la pose, le photographe me dit la mort au futur.»