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Libération
Bande dessinée

«Rusty Brown», à chœur ouvert

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L’Américain Chris Ware condense vingt ans de travail où s’encapsulent, dans un récit choral à la construction sublime, les destinées de sept personnages, âmes solitaires qui parcourent son Nebraska natal.
(Chris Ware . éditions Delcourt)
publié le 30 octobre 2020 à 19h16

Cela fait quinze ans qu’on retourne à Rusty Brown. Avant de réunir son récit sous cette forme de «roman graphique» qui nous parvient aujourd’hui en français, Chris Ware l’a préalablement autoédité par grappes sublimes dans son Acme Novelty Library depuis le numéro 16 (2005). Collection de livres-trésors pour anglophiles qu’on a lus, relus, offerts, cornés, rachetés, source inépuisable de chaleur humaine à laquelle on vient s’abreuver régulièrement et territoire expérimental qui rappelle les incroyables potentialités du langage dessiné. Vingt ans de travail pour Ware qui conclut ce chef-d’œuvre, blague cruelle, par une double page barrée du mot «Entracte». Sans qu’on sache s’il s’agit là d’une promesse d’un «à suivre», qui colle bien avec la bibliographie d’un auteur dont les livres composent une forme de Comédie humaine, ou d’une conclusion façon les Soprano : quand on cherche à capturer la vie comme elle va, seul les points de suspension sont acceptables.

Le titre de l'ouvrage, Rusty Brown, semble appeler un portrait, la biographie d'un homme à travers les âges comme ce fut le cas de son chef-d'œuvre œdipien Jimmy Corrigan. C'est au contraire un récit choral qui présente ses sept protagonistes à la manière ridicule d'un générique de soap des années 70. Un titre pied de nez dont la démarche polyphonique est justifiée par le personnage de Franklin Chris Ware, double de l'auteur en enseignant qui, en salle des profs, assomme un