Les mythes et les récits divers d'aventure nous ont bien appris une chose : si on ne veut pas réveiller les monstres endormis, les dragons, Godzilla ou tout ce que vous voulez qui pourrait menacer l'avenir de l'humanité, il faudrait interdire aux héros stupides de s'enfoncer dans une grotte sombre avec une torche. Forcément, c'est exactement ce que fait ce cavalier blanc à la tête ronde et à la houppette joyeuse : face à l'entrée d'un temple enseveli, il entre et il tombe sur un monstre enchaîné, une sorte de bibendum géant aux grandes dents et à l'œil unique, comme un Cyclope de l'Odyssée, et avec l'air de s'ennuyer ferme. Pour s'emparer d'une épée mystérieuse, il le libère, le temple est détruit et les problèmes commencent.
Dans Longue Vie , paru en mai 2020, Stanislas Moussé dressait le portrait d'un berger qui, de rebondissements en rebondissements, du carnage de son village en combats épiques, devenait un roi sage et respecté. Paru six mois après, en novembre, le Fils du roi, comme son titre l'indique, raconte l'histoire de son aîné, qui décide de partir sur les chemins, à la recherche de l'aventure et peut-être de l'amour. Le principe reste le même : du noir et blanc, un dessin méticuleux au Rotring 0.2, sans dialogue. Le format, lui, évolue. Là où Stanislas Moussé, auteur atypique qui dessine l'hiver et conduit des bêtes dans les alpages suisses l'été, enchaînait dans son premier tome les pleines pages, comme des tableaux médiévaux, le deuxième accepte le principe des cases et se rapproche, un peu, d'une BD plus classique.
Le monstre à grosse cotte de mailles et à la gueule évoquant celle du Sarlacc, la bête des sables avalant Boba Fett dans Star Wars, est magnifique. Il ravage, tue et dévore avec un plaisir renouvelé, dans la grande tradition des géants incontrôlables, ceux qui, une fois vaincus, hantent les contes et les chansons des ménestrels pour faire frémir les enfants. Face à cette menace, le héros se voit contraint de trouver une autre grotte, avec un nouvel artefact, dans une quête évoquant le retour dans le ventre de la mère, dans une origine du monde très courbetienne. Face à la volonté de pouvoir, ce désir toujours ambigu de l'heroic fantasy, le Fils du roi bascule alors vers un clair renoncement, dans un étalement joyeux de boyaux et de viscères.