A tout hasard, existe-t-il en propre un humour, sinon expressément féministe, en tout cas féminin, comme il existerait (traditionnellement) un humour juif, rital, anglais ou queer ? Et, si cela est, qu’est-ce qui fait cet humour, le caractérise ? On tourne autour du sujet depuis un moment, manne en cours de construction d’une politique des actrices-autrices, dont ici Ovidie, à l’origine comme à l’image (dessinée) de la websérie Libres !, est l’indigne et drôle représentante de plus - subséquemment : un humour «de femmes» ne s’expose-t-il pas (hélas pour un certain antiféminisme qui, se croyant drôle, n’est risible qu’à ses dépens) à être frappé au sceau infâme du féminisme ? Il y a fort à craindre, ou alors à parier, que la fonction de l’humour, son existence nécessaire, au premier degré toujours et par proximité d’«identité» (identité qui vous est imposée d’en haut toujours, comme sous-groupe ou caste à part, marginale et minoritaire, bref quantité négligeable), tienne à certaine position de radicalité, d’insolence et d’impudence. Tout cela, l’ironie le favorise, et s’applique à tourner en dérision critique ce qui (vous, nous) limite et réduit à n’être que ce que l’autre partitionne, repousse hors de lui et de sa société comme un seul homme (blanc, hétéro, mince, élancé, bon chrétien).
Rythme. Libres ! répond par dix petits épisodes droits au but, façon uppercuts comic strip. Bulles de savon irisées qui explosent «dans ta face» d'efficacité didactique,