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Libération

La bibliothèque d'argile

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Il y a trente-cinq ans, des tablettes écrites en langues sumérienne et akkadienne ont été découvertes à Sippar, en Irak. Ces signes figurent la phonétisation de l'écriture.
par Jean-Pierre Faye
publié le 8 novembre 2007 à 1h22

Sippar est dans la plaine d'Irak. Une fouille archéologique, ouverte voilà trente-cinq ans environ, permet la découverte d'une bibliothèque d'argile. Où des tablettes d'écriture bilingue, en langue sumérienne et en langue akkadienne, l'une au-dessus de l'autre à chaque ligne, sont rangées, debout, dans des rayonnages d'argile, comme nos livres. Que sont-elles devenues dans le pays pour lequel l'invasion de l'an 2003 programmait généreusement «3 000 bombes pour le premier jour» et «21 missiles de croisière» ? La maison des fouilles a été détruite en mars 2006. Les tablettes sont au musée de Bagdad : le travail de publication de ce corpus est en cours.

Sumer et Akkad. C'est la première superposition forte de cultures et de langues ; et elle produit, pour la première fois sans doute, cet effet inouï : la traduction. Chaque ligne en sumérien est traduite au-dessus en langue akkadienne. Cette opération aura pour effet le miracle survenu dans la graphie : la phonétisation de l'écriture. Des signes qui indiquent des sons, et non des choses. La griffure à la main, tenant un roseau taillé, va capter le son de la voix. Le geste des doigts capture la vibration de la gorge humaine : sa musique.

La circulation de la pensée, sa transmission de langue en langue, de culture à culture - depuis le philosophos athénien jusqu'au faylaçouf arabe et à la philosophia latine, puis italienne, française, anglaise, allemande, slave, plus tard traduite en signes japonai