Comme naguère ses deux frères afghans, les célèbres bouddhas géants de Bamyan pulvérisés au TNT en mars 2001 par la fureur iconoclaste des talibans, celui de la vallée de Swat coulait depuis des siècles des jours paisibles. Jusqu'à ce que les islamistes s'emparent de cette longue vallée du nord-ouest du Pakistan, au pied de la chaîne himalayenne de l'Hindu Kush, qui longtemps séduisit les touristes par son âpre beauté. Ce qui faisait aussi l'intérêt du site, c'était sa statue de l'Eveillé, dont la grâce presque féminine et l'harmonie des proportions rompaient la magnifique rudesse des lieux et attirait beaucoup de Japonais.
«Rien que la charia». C'est ce bouddha, haut de plus de sept mètres, assis dans le roc, près du village de Jehanabad, que les hommes de Fazlullah ont attaqué à la dynamite. Ils l'ont fait à deux reprises, les 13 et 28 septembre, oblitérant son visage serein. La statue était un des chefs-d'oeuvre de l'art du Gandhara, fusion parfaite entre les styles de la Grèce antique - comme le montre la toge - de l'Inde classique et de l'Asie centrale. Cet art, qui a essaimé le long de la route de la soie, avait été introduit dans la région à la suite des conquêtes militaires d'Alexandre le Grand.
Ce n'est pas la première fois que des musulmans radicaux s'emparent de Swat. La vallée est connue comme un foyer d'irréductibles montagnards pachtouns que le tourisme et la présence de nombreux hôtels de luxe n'ont jamais adoucis. «Cet endroit est sensible aux idées millénar