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Libération

68 a décoincé la bulle

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Les albums marquants de 2008 sont les héritiers directs des quatre personnages emblématiques de la BD de 68.
publié le 24 janvier 2008 à 2h03

Sans 68, la bande dessinée contemporaine n'existerait pas. Jusque-là cantonnée dans un univers prépubère essentiellement masculin, dans lequel la subversion, partout, était traquée. Imaginez un peu qu'avant Mai, les importateurs de séries américaines gommaient systématiquement les seins des femmes afin de recevoir l'aval des censeurs surveillant les publications destinées à la jeunesse. Les créateurs, sans cesse, devaient ruser.

Le temps d'un printemps, la bande dessinée passe de l'état d'objet récréatif pour enfants à celui de vecteur majeur de la contre-culture, intégrant spontanément son appétit pour le slogan ludique et son goût de la subversion plastique. Un héritage que Libération continue à revendiquer. Entre constructivisme et pop'art, les ateliers des Beaux-arts, la presse contestataire, influencent une nouvelle génération de talents. Le 9e art entame sa révolution culturelle. Des titres déjà novateurs, comme Pilote, journal phare de l'école franco-belge, entrent en ébullition. Grève, AG, comités d'autogestion s'y succèdent, sous l'influence peyoltienne de Moebius. Le journal d'Astérix et Obélix, soudain, s'amuse à réfléchir, bousculant puérilement René Goscinny, le papa du Gaulois et du Petit Nicolas. C'est un double mouvement qui voit accéder la BD à l'âge adulte et l'enfance au statut de culture. Du jour au lendemain, les planches explosent, les personnages mutent, définissant un nouveau champ de narration graphique. D'autres cessent d'évoluer