Par son Manifeste, André Breton a voulu donner le souffle qui manquait à l'aventure dans laquelle il s'était lancé depuis quelques années déjà avec un petit cercle d'amis. Au départ, déçu par la tiédeur de l'accueil de son dernier ouvrage de poésie, Clair de terre, il pensait impulser son nouveau recueil de poèmes par un avant-propos théorique. Son propos prenant de l'ampleur, l'auteur en raya l'intitulé «Préface», comme en atteste cet autographe.
André Breton commençait en fait à donner figure à sa «mystique de la vie», pour citer Thomas Bompard, spécialiste de la maison Sotheby's.
Sans nouvel élan, il comprenait que le surréalisme pouvait sombrer comme bien d'autres chapelles avant lui. Le mouvement sortait à peine de l'ironie dada. Sa revue, Littérature, qui comptait trente lecteurs, a dû s'arrêter en juin. André Breton lui-même voyait sa figure tutélaire contestée; le terme même de «surréaliste» lui était disputé. Paul Eluard l'avait quitté pour son tour du monde.
Dans ce texte, l'auteur bat le rappel des troupes. Convoquant Freud, Dante et Sade, mais aussi Hegel et Saint Thomas d'Aquin, il attaque par une discursive philosophique, histoire de poser le niveau -et d'écarter les fantaisies dadaïstes. Dans le langage tranchant dont il ne se départira jamais, il donne «une fois pour toutes» la définition du surréalisme. Tout à la construction de cette armature théologique, il fait glisser son texte de «l'invective aphoristique à la r