On rencontre deux sortes de gens à Mar Mikhael : des miraculés et des hantés. Ils se ressemblent tous d’ailleurs dans ce quartier du nord-est de Beyrouth, parmi les plus affectés par l’explosion du port le 4 août 2020. Près d’un tiers des 214 morts habitait là. Les regards se figent, les yeux s’embuent et les voix se voilent dès qu’on mentionne le drame. Un an après, le traumatisme reste entier et général. Chacun s’est vu mourir ou perdre ses proches. Tous sont des survivants, comme des dizaines de milliers d’habitants de Beyrouth qui ne mentent pas en disant qu’ils sont passés «à cinq minutes ou à deux doigts d’être déchirés par la déflagration», comme on l’entend partout.
Laure raconte comment le plus jeune de ses fils «venait de monter dans sa voiture garée dans l’artère principale de Mar Mikhael quand le balcon d’un vieil immeuble est tombé sur le toit du véhicule. Il s’est couché dans l’habitacle, puis a réussi à entrouvrir la portière en poussant de toutes ses forces et à ramper pour sortir de la carcasse.» La veuve sexagénaire indique comment ses fenêtres ont été arrachées par le souffle et ses meubles cassés, tandis que «la statuette et l’icône de la vierge au mur sont restées en place».
Par l'écrivaine Hyam Yared
Tout a été réparé depuis grâce à l’association Offre-Joie, qui a réhabilité une quarantaine