A Kalamata, ville côtière de la péninsule du Péloponnèse, Khaled Alzouki, la quarantaine, les yeux cernés et l’air abattu, attend assis sur le trottoir devant l’imposante bâtisse néoclassique peinte en bleue qui sert de bureau aux garde-côtes grecs. «Mon frère de 43 ans était dans le bateau qui a fait naufrage.» Sa voix s’étouffe. Il baisse les yeux et reprend : «Il était pourchassé par Bachar al-Assad. Il a dû fuir la Syrie. Je suis arrivé ce matin d’Allemagne où je vis maintenant. Nous n’avons pas de nouvelles.»
Il en est désormais presque sûr, son frère ne fait pas partie des 104 rescapés du naufrage d’un navire de pêche sur lequel avaient embarqué environ 750 exilés, selon différents rapports. Depuis plus de quatre heures, Khaled attend pour communiquer toutes les informations en sa possession aux autorités afin que les disparus puissent être dénombrés, et que les 78 morts dont les corps ont été retrouvés soient identifiés. A côté de lui, assis en tailleur, d’autres réfugiés attendent eux aussi. Mohammed (1), qui vient d’Allemagne, témoigne : «Ma femme de 23 ans, ma fille de 4 ans et le frère de ma femme étaient dans le bateau.» Ses yeux se remplissent de larmes. Il fixe le trottoir. Et laisse soudain éclater sa rage : «Les Grecs les ont laissés mourir !»
Mohammed poursuit : «J’ai