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Libération
Reportage

A Kharkiv : «Si j’avais attendu, je serais morte écrasée sous les décombres»

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Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Bien qu’imprenable, la deuxième ville ukrainienne est sans cesse visée par l’armée russe. Les attaques y sont redevenues quasi quotidiennes depuis le 10 mai.
Après une frappe russe contre un immeuble d'habitation à Kharkiv, le vendredi 31 mai 2024. (Sofiia Gatilova/Reuters)
publié le 31 mai 2024 à 19h17

Ce vendredi 31 mai à minuit dix, Anna est seule avec son chien dans son appartement de Kharkiv lorsqu’un missile russe S-300 s’abat sur son immeuble. Le chien s’enfuit dans la salle de bains. Anna, elle, a une obsession : récupérer les filets anti-moustiques de ses fenêtres soufflés par l’explosion et projetés à l’extérieur, au-delà d’une petite rangée d’arbres.

Elle descend, les cherche, les prend, et remonte. Au moment où elle met la clé dans sa serrure, un deuxième missile S-300 explose sur l’immeuble. Anna est projetée en arrière tandis que les étages supérieurs s’écrasent sur le sien. Elle est indemne, ou presque, juste quelques éraflures au bras droit et un pansement autour de l’œil gauche. «Je ne comprends toujours pas pourquoi j’ai absolument voulu aller chercher ces filets anti-moustiques, cela n’a aucun sens, raconte-t-elle quelques heures plus tard. Les pompiers m’ont dit que j’avais eu une chance incroyable. Si j’avais attendu de reprendre mes esprits avant de descendre de mon appartement, je serais morte écrasée sous les décombres. Ça doit être Dieu.» Le chien s’en est sorti aussi.

Dans la moiteur de l’après-midi, la jeune femme blonde, boucles d’oreilles en forme de trèfle à quatre feuilles et baskets dorées, envoie des messages à ses proches pour les rassurer, assise sur un tuyau en face de son petit immeuble en briques de quatre étages du quartier populaire de Novobavarsky. Elle tend le bras pour montrer le deuxième étage, là où elle habitait, et